Postulat “Lutter pour la fin du sans-abrisme, un défi communal, cantonal et national : pour un état des lieux et une politique coordonnée et intercommunale des hébergements d’urgence”
43m²1 est né en 2022 dans le Canton de Vaud, suite à un constat d’échec des dispositifs cantonaux d’hébergement d’urgence et de bas-seuil. En mai 2022, le collectif a occupé les jardins de la HETSL, obtenant ainsi que la Ville de Lausanne organise une table ronde sur l’hébergement d’urgence avec la HETSL et le soutien du Canton de Vaud.
Le Canton a ensuite mandaté les hautes écoles de travail social pour réaliser une étude et un colloque, co-organisé par le collectif et les HETS de Fribourg et Lausanne, intitulé Forum du sans-abrisme, qui s’est tenu les 30, 31 janvier et 1er février derniers2 . Cet événement inédit a réuni environ 700 scientifiques, professionnel·les de terrain, étudiant·es en travail social et membres du tissu associatif pour discuter des défaillances du dispositif actuel. Parmi les constats communs, la nécessité d’une stratégie coordonnée à l’échelle cantonale et nationale pour en finir avec le sans-abrisme a émergé.
En parallèle, le collectif 43m² a facilité la création d’une coalition intercommunale rassemblant des élu·es socialistes, vert·es et d’Ensemble à Gauche, afin de visibiliser cette problématique et relever le défi à l’échelle vaudoise. Le dépôt de ce postulat intervient dans le cadre des travaux de cette coalition.
Situation cantonale
A la différence de nombreuses thématiques telles que les transports et les soins, les prestations liées aux hébergements d’urgence et la politique de lutte contre le sans-abrisme s’articulent principalement autour des politiques communales volontaristes. Celles-ci sont principalement financées par des subventions cantonales. Ce financement démontre actuellement ses limites puisque de nombreuses personnes se voient refuser l’accès à un hébergement d’urgence faute de place, contraignant celles-ci à dormir dehors. La pénurie de places s’explique aussi, et notamment, par le manque de répartition des hébergements dans le Canton mais aussi par un manque de locaux disponibles répondant aux critères d’accueil.
Quand l’offre est absente sur le territoire communal, les personnes rejoignent alors d’autres communes pour y trouver refuge. Le sans-abrisme est une réalité sociale dont tout le monde doit se saisir et ce n’est pas uniquement aux centres urbains de s’y intéresser et de financer ces prestations. Les centres urbains étant particulièrement concernés par la problématique, ceux-ci se retrouvent limités dans leurs prestations, souvent pour raisons budgétaires. Dans ce contexte, il est à déplorer qu’en avril 2024, 31 communes avaient symboliquement suspendu leur contribution à la participation à la cohésion sociale (PCS) cantonale arguant par exemple que « les montants étaient déraisonnables et disproportionnés » .
Entre 2023 et 2024, le budget cantonal « Soins infirmiers et médicaux aux populations vulnérables » subissait une réduction de 1,92 % et parallèlement, le budget alloué à la « Réforme policière » était augmenté de 12,64 %. Les budgets sont formels : nos politiques réinvestissent les budgets du social dans le sécuritaire.
La réalité du terrain ainsi que le Rapport mandaté par le Canton « Evaluation du dispositif d’hébergement d’urgence dans le canton de Vaud »4 démontre que « l’offre proposée est insuffisante et inadaptée. Chaque année et chaque nuit, de nombreuses personnes se voient refuser l’accès à un accueil de nuit faute de places. » Pourtant notre Constitution vaudoise selon son article 33 alinéa 1 assure que : « Toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié et aux moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. » Pour exemple, en 2023 et rien qu’à Lausanne, les travailleur.eusexs sociaux ont dû refuser un lit à 11’725 reprises, par manque de places disponibles.
Le rapport sus-mentionné propose également des mesures clefs qui permettraient d’améliorer significativement l’impact de l’hébergement d’urgence. Les plus importantes sont : le développement d’espaces d’accueil de jour et la refonte d’une partie du dispositif en hébergement 24h/24h ; la création de nouveaux espaces proposant des prestations d’hygiène et d’alimentation gratuites ; le renforcement des solutions de type logement de transition et housing first ; le développement d’une vision stratégique et l’élaboration d’une politique sociale du logement renforcée. Malheureusement, la faisabilité de ces mesures dépend largement de l’existence de stratégies cantonales et nationales, aujourd’hui inexistantes.
Situation (inter)communale
L’offre proposée par Caritas pour la Riviera, soit 22 places d’hébergement d’urgence, outre les problèmes urgents de disponibilité de locaux afin de garantir la continuité de l’accueil, se révèle insuffisante face aux enjeux sociaux concernant les personnes sans-abris5 . Chaque année, des personnes sans solutions de logements durables sont contraintes soit de dormir dehors soit de rejoindre une autre commune vaudoise dans l’espoir d’y obtenir un lit pour la nuit. A Vevey et dans les communes voisines, l’Association Régionale d’Action Sociale Riviera (ARAS) a notamment pour but d’appliquer la Loi sur l’action sociale vaudoise (LASV) du 2 décembre 2003, dont l’article 4a prévoit un droit à une aide d’urgence, en particulier en ce qui concerne le logement. Or, le dernier rapport d’activité de l’ARAS (de 2023) ne faisant aucune mention de l’hébergement d’urgence.
Conclusion
En conclusion, le Conseil Communal souhaite que la Municipalité adopte une démarche proactive vis-à-vis de la problématique du sans-abrisme, avec l’objectif de renforcer la coordination intercommunale et de faciliter sa mise en œuvre.
Pour ce faire, le Conseil Communal invite dans un premier temps la Municipalité à étudier l’opportunité de solliciter l’ARAS Riviera ou un autre organisme compétent afin de produire un rapport couvrant l’ensemble des communes représentées à l’ARAS Riviera et documentant:
1. les besoins régionaux spécifiques en matière dĥébergement d’urgence ;
2. les actions et prestations mises en en place pour lutter contre le sans-abrisme ;
3. l’adéquation du dispositif actuel vis-à-vis de la demande ;
4. l’état des lieux de la mise en œuvre des recommandations du rapport dit « Leresche » ;
5. la disponibilité de locaux utilisables comme hébergement d’urgence et les moyens à disposition de toutes les communes membres de l’ARAS Riviera pour en mettre à disposition ;
6. les leviers d’action dont dispose l’ARAS Riviera, en tant qu’organe en charge de la mise en application de la LASV, pour obtenir des locaux permettant de répondre aux besoins en matière d’hébergement d’urgence et ce, dans toutes les communes concernées ;
7. les enjeux, et les stratégies mises en place si elles existent, de coordination interurbaine, en particulier avec Lausanne, principal pourvoyeur de logement d’urgence du canton ;
8. l’état de la collaboration stratégique avec le canton (DGCS).
En l’absence de structure adaptée pour répondre aux besoins, le Conseil Communal invite la Municipalité à étudier l’opportunité de constituer une plateforme, ou de doter une plateforme existante des moyens financiers, légaux, et infrastructurels, afin de coordonner l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi d’une stratégie intercommunale de lutte contre le sans-abrisme.
Par sa démarche proactive, la commune encouragerait également activement les autres communes vaudoises à renforcer leur politique sociale sur la thématique.