Initiative Joëlle Minacci au nom d’Ensemble à gauche & POP
Pour la levée de la réserve relative à l’art. 59 de la Convention d’Istanbul, soit le statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de la violence
La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est entrée en vigueur le 1er avril 2018. Elle constitue l’accord international visant à combattre ce type de violations des droits humains le plus complet. Il s’étend aux champs d’action prévention de la violence, protection des victimes, poursuite pénale et approche globale et coordonnée (politiques intégrées).
La Suisse a signé la convention le 11 septembre 2013. Les Chambres fédérales ont voté l’adhésion le 16 juin 2017. La Suisse a émis quatre réserves dans le cadre de la ratification de la convention, dont une porte sur l’art. 59, statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de la violence.
« Article 59 Statut de résident
1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. Les conditions relatives à l’octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne.
2 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes puissent obtenir la suspension des procédures d’expulsion initiées du fait que leur statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, pour leur permettre de demander un permis de résidence autonome.
3 Les Parties délivrent un permis de résidence renouvelable aux victimes, dans l’une ou les deux situations suivantes :
a lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle;
b lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales.
4 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins de ce mariage, et qui perdent en conséquence leur statut de résident dans le pays où elles résident habituellement, puissent récupérer ce statut ».
En 2022, le Conseil fédéral a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il n’a pas proposé aux Chambres fédérales de lever la réserve portant sur l’article 59.
Pourtant, dans la pratique actuelle, les exigences trop élevées ne permettent pas de garantir la protection des victimes et l’on constate une discrimination en fonction du statut. Aujourd’hui encore, il est parfois difficile pour les femmes étrangères victimes de violences de conserver leur autorisation de séjour, les exigences érigées dans la pratique pour prouver les violences subies et leur intensité s’avérant souvent trop élevées. Par ailleurs, la réserve émise à l’article 59 de la Convention est regrettable en ce qu’elle ferme la porte à une extension de la protection des victimes prévue par l’art. 50 LEtr aux conjoint-e-s de personnes titulaires d’une autorisation de séjour (permis B), d’une autorisation de courte durée (permis L) ou d’une admission provisoire (permis F) qui n’ont dans le droit actuel qu’une possibilité de renouvellement de leur autorisation de séjour et non un droit et ce en application de l’art. 77 OASA. Il instaure une discrimination entre victimes en fonction de leur statut – ou de celui de leur conjoint –, ce qui semble contraire aux buts poursuivis par la Convention.
En vertu de l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, les cantons peuvent soumettre une initiative à l’Assemblée fédérale. Une telle initiative n’est pas limitée à la Constitution, mais peut porter sur tout objet de la compétence de l’Assemblée fédérale. Le canton peut soumettre à l’Assemblée fédérale soit un projet d’acte législatif, soit proposer l’élaboration d’un projet.
Les député-e-s soussigné-e-s demandent au canton de Vaud d’exercer son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale, en application de l’article 109, alinéa 2, de la Constitution vaudoise pour demander aux Chambres fédérales d’élaborer dans les meilleurs délais une proposition visant à la levée de la réserve relative à l’article 59 de la Convention d’Istanbul.