Qui sauvera d’eux-mêmes les commerçants de Vevey ?
Une fois de plus, les associations de commerçant·e·s de Vevey pétitionnent. C’est quasiment une tradition, un patrimoine local. A la fin du siècle passé, quand la Vieille ville avait passé en zone de rencontre, la suppression de quelques places de parc avait déjà suscité la même réaction, au nom du même logiciel antique : «le seul salut du commerce, ce sont des places de parc, si possible devant le magasin». Aujourd’hui, c’est au projet de réaménagement de la Place du Marché que l’Association des commerçants de Vevey (ACV) s’oppose. Rien de bien nouveau sous le soleil, donc.
Un de ses arguments est de ne pas avoir reçu «d’informations préalables». Un simple retour historique démontre que c’est faux.
- Le 15 décembre 2016, le Conseil communal, avec une quinzaine d’avis contraires et une dizaine d’abstentions, adopte le préavis 33/2016 qui finance une procédure de «Mandat d’études parallèles» pour la réfection complète de la Place du Marché.
- Fin mai 2017, la commune lance la procédure. Les commerçant·es y ont toute leur place : six commerçant·es des environs de la place sont désignées par un tirage au sort public pour siéger à des tables rondes participatives ; y ont été également invité·es une représentante de l’ACV, un de la Société industrielle et commerciale (SIC) et un de l’Association des Commerçants du Marché de Vevey (ACMV). Une place est également réservée pour l’ACV et pour l’ACMV au «Comité d’experts» appelé à désigner le projet lauréat.
- Apprenant que le cahier des charges ne prévoit pas de parking souterrain et seulement 200 places de parc en surface, la représentante de l’ACV se retire du processus dès octobre 2017, et fait donc le choix de ne pas être informée des travaux, et de ne pouvoir en informer son association et ses membres ; quatre des commerçants tirés au sort font de même .
- En novembre 2017, l’ACV participe au lancement de l’initiative pour un parking souterrain, qui se pose en alternative à la proposition municipale. Cette initiative est refusée le 19 mai 2019.
- «L’affinage» du projet de réaménagement de la place «D’amour et d’eau fraîche» choisi par le collège d’experts en février 2018 peut donc reprendre, après une année de suspension en attente du résultat de l’initiative. La démarche est confirmée par le préavis 36/2019 adopté par le Conseil communal le 30 janvier 2020.
- Un rapport et une discussion sur ce travail ont lieu à la Commission d’aménagement du territoire (CAT) le 24 août 2020. La fixation du nombre de places de parc à 150 y est annoncée, ainsi que la fermeture du quai Perdonnet. Le représentant de la SIC à la CAT, Christian Ferrari, était présent, et donc dépositaire de l’information, à ce jour, depuis plus de deux mois.
Le seul manque d’information tient donc à des choix politiques de l’ACV (retrait du processus du MEP) ou à des défauts de transmission au sein des associations de commerçant·es. Sans oublier que les préavis de la Municipalité sont publics.
En ce qui concerne le fond de l’argumentation de l’ACV :
- en prétendant qu’il «est nécessaire d’enterrer les véhicules au centre, à proximité du cœur de la vieille ville (la place du marché en étant le poumon), et ainsi libérer les espaces en surface afin de les rendre accueillants pour les visiteurs, citoyens, la mobilité douce, les animations, les événements et la vie» (présentation de la pétition sur la page internet de l’ACV), elle reprend l’essentiel de l’argumentation en faveur de l’initiative, comme si celle-ci n’avait pas été soumise au peuple et refusée.
- et en réclamant «un parcage accessible et cohérent» (point 2 de la pétition), elle se tire une balle dans le pied, puisque c’est exactement le but visé et atteint par la disposition retenue : les deux allées de circulation à double sens, du haut en bas de la place, donnent un accès clair, homogène et évident aux 150 places. En ajouter 50 obligerait justement à créer des incohérences, des cheminements peu compréhensibles, des dangers, bref tout ce qui est reproché à la disposition actuelle !
Par cette pétition, l’ACV s’enfonce dans une conception dépassée et sans issue de l’attractivité commerciale. C’est dommage, car une partie des commerçant·es semblent prêt·es à essayer de nouvelles voies.