Vevey : Nestlé tombe le masque

Pour une contrariété dans ses projets immobiliers, Nestlé lance des représailles en utilisant sa politique de « soutien à la culture ».

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Nestlé cultive avec soin les bonnes relations avec sa ville et son pays d’origine, qui sont un élément important de son image de marque dans le monde : invitations régulières des exécutifs locaux, largesses occasionnelles (4 millions pour le Théâtre de Vevey en 1991-1992) et surtout soutien diffus à de multiples activités culturelles. Le dernier projet était d’offrir à « Images », manifestation culturelle phare de Vevey, un lieu d’exposition dans un de ses bâtiments historiques, à côté du « Nest ». Cela aurait eu l’avantage d’ajouter une couche de vernis culturel à son musée de propagande, à l’heure où le succès attendu n’est, pataît-il, pas au rendez-vous.

Urbanisme en mutation

En 2013, 2015 et 2017, Alternatives puis Décroissance-Alternatives a participé ou impulsé trois référendums victorieux sur le thème de l’urbanisme. Dans une ville qui connaît une croissance démographique importante alors qu’elle est déjà densément construite, une majorité des votant·e·s a considéré que ces projets mettaient en cause sa qualité de vie et participaient d’un « développement » sans limite et sans vision d’ensemble. A raison, puisque les documents de planification, Plan directeur communal et Plan d’affectation sont obsolètes.
La municipalité s’est enfin décidée à tirer les leçons de ces refus, et à réviser ces deux documents. Pour cela, il fallait éviter que les promoteurs ne court-circuitent la procédure et la discussion politique en déposant illico tous les projets qu’ils pouvaient avoir en réserve. La municipalité a donc pris deux mesures en septembre 2017 :

  • le quartier le plus soumis à la pression a été mis en « zone réservée », ce qui bloque toute demande de permis de construire jusqu’à l’établissement des nouveaux documents de planification ;
  • dans toute la ville, l’établissement de plans partiels d’affectation ou de plans de quartier a été suspendu.

Nestlé se fâche ; le masque tombe

Ces décisions touchent, entre autres, trois parcelles appartenant à Nestlé, dont elle n’a plus l’usage. Peu habituée à de telles contrariétés, la multinationale se venge en mettant fin brutalement au projet « Images », alors que les plans étaient déposés et les travaux commencés.
Résumons : dans le cadre de procédures démocratiques et légales, Nestlé subit un dommage financier dérisoire par rapport à son chiffre d’affaires. Sa réaction est brutale, disproportionnée et sans appel.
Cela permet d’imaginer comment Nestlé réagit, dans un pays où l’opinion publique n’a guère d’importance pour lui, quand un village refuse l’extension de plantations de café au détriment de cultures vivrières, ou quand un syndicat réclame des droits pour les salarié·e·s et de meilleures conditions de travail…

Alain Gonthier
Décroissance-Alternatives, Vevey