Oui à l’initiative sur les soins infirmiers

Le 28 novembre prochain, nous sommes appelés à nous prononcer sur l’initiative sur les soins infirmiers. L’idée de ce texte, soutenu par de nombreuses associations de la santé, syndicats, médecins, personnel infirmier et groupes politiques, est d’inscrire dans la constitution la nécessité urgente de valoriser les soins infirmiers en Suisse. 

Il y a actuellement une pénurie du personnel infirmier. Les initiandes parlent de plus de 70’000 postes vacants d’ici 2029. Actuellement, 40% des soignandes quittent la profession prématurément, un tiers d’entre elleux à moins de 35 ans. Professions dites du care, largement exercées par des femmes*, les métiers du soin sont souvent mal payés alors que ce sont des professions exigeantes, aux horaires compliqués, qui demandent de prendre quotidiennement des responsabilités importantes.

da. vous invite à soutenir cette initiative afin de valoriser les métiers du soin, essentiels au bon fonctionnement de notre société, afin que les conditions difficiles de ces professions soient reconnues. C’est un secteur qui était déjà fragilisé par le manque de soignants et d’aide publique et qui accuse le coup depuis le début de la crise Covid. Celle-ci nous rappelle, s’il en est besoin, à quel point ces professions sont d’utilité publique et que le système actuel ne protège pas assez le personnel soignant. La Confédération doit prendre ses responsabilités dans cette crise du secteur des soins et trouver des solutions afin de garantir la qualité des soins, de former davantage de soignandes et d’améliorer leurs conditions de travail.

D’autres métiers du care sont actuellement sous pression, et notamment le métier d’éducateurice sociale qui subit aussi les effets de la crise Covid, ce secteur était lui aussi déjà fragilisé et les travailleur.euse.s socialaux ont plus que jamais besoin de reconnaissance que ce soit au niveau salarial ou au niveau d’une amélioration de leurs conditions de travail. Même si cette initiative ne concerne directement que le secteur infirmier, dire OUI le 28 novembre à l’initiative sur les soins infirmiers c’est aussi donner le message que l’on a besoin de toutes les professions du care, qu’il est urgent de les valoriser et qu’il serait temps de prendre soin des professionnels de la santé et du social qui, elleux, prennent soin de nous au quotidien.

Pour aller plus loin : en 2020, en pleine crise covid, nous nous interrogions sur la mauvaise rémunération des métiers du care, pourtant si essentiels : Vous préférez une société sans infirmière ou sans trader ?

Non à l’initiative sur la justice

Actuellement, les 38 juges au Tribunal fédéral (et ceux d’autres tribunaux fédéraux) sont élus tous les 6 ans par l’Assemblée fédérale, composée des 200 membres du Conseil national et des 46 membres du Conseil des Etats. En cas de vacance dans l’intervalle, l’Assemblée fédérale élit un successeur.

Une commission parlementaire (Commission judiciaire) constituée de représentants des deux Chambres) procède à un examen minutieux des candidatures en ne retenant que celles qui présentent une formation et un cursus professionnel de haut niveau. Les candidats sont ainsi formellement présentés par un groupe politique.

Le système d’élection actuel vise une représentation proportionnelle des partis, cherchant ainsi à garantir une certaine représentation des différentes valeurs politiques et sociétales au Tribunal fédéral et dans les autres tribunaux de rang fédéral.

Si l’initiative était acceptée, le tirage au sort serait effectué sur la base du choix d’une Commission spécialisée nommée par le Conseil fédéral pour une période de 12 ans, le nombre de membres n’étant pas précisé.

Le droit n’est fort heureusement pas une science exacte, mais une science humaine. L’évolution de l’interprétation de certaines règles juridiques est évidemment aussi fonction de l’évolution constante de la société et des défis de toute sorte auxquels elle est confrontée. C’est dire qu’en sus de leur formation juridique et de leur expérience, les juges fédéraux sont évidemment influencés par leur vision du monde et les valeurs qui sont les leurs. C’est la raison pour laquelle il est important que la composition du tribunal soit la plus représentative possible des différentes opinions qui ont cours dans une démocratie comme la nôtre. Ainsi, l’appartenance politique constitue sans nul doute le moins mauvais des marqueurs pour assurer cette représentativité de l’ensemble de la société.

L’initiative soulève certes deux problèmes objectifs résultant du mode d’élection existant. En effet, il est arrivé qu’à l’occasion du renouvellement des magistrats qui souhaitaient poursuivre leur charge, certains milieux politiques se soient sentis « trahis » par des juges qu’ils avaient eux-mêmes proposés. Parce qu’à leurs yeux, ceux-ci avaient contribué à des décisions contraires aux objectifs politiques de leur parti. Cela a abouti une à deux fois à des échauffourées passagères. Il n’est cependant jamais arrivé qu’un juge fédéral ne soit pas réélu, la majorité claire de l’Assemblée fédérale ayant marqué son souci de garantir pleinement l’indépendance des juges fédéraux.

Le fait que certains partis perçoivent des cotisations auprès de leurs membres élus au Tribunal fédéral n’est effectivement pas non plus sans problème. C’est surtout là la conséquence d’absence de législation nationale sur le financement des partis politiques. Une fois celle-ci adoptée, ce problème devrait s’effacer de lui-même.

En tout état de cause, ces critiques ne justifient en aucun cas de jeter le bébé avec l’eau du bain en acceptant une désignation par tirage au sort. Celle-ci ferait principalement courir le risque qu’en raison du hasard, la représentativité des différentes visions du monde et de la société que l’on peut avoir dans un pays comme le nôtre ne serait plus garantie, avec le risque que le sort favorise une surreprésentation de certaines opinions, déconnectées de la diversité qui existe en Suisse.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que le richissime personnage à l’origine de cette initiative et du financement apparemment somptuaire de la campagne y relative est assurément animé d’un certain esprit revanchard suite à ses déboires judiciaires personnels. En effet, au milieu des années 90, le licenciement dont avait fait l’objet ses employés qui menaçaient de faire grève avait abouti pour la première fois à la reconnaissance du droit de grève par le Tribunal fédéral… D’autres litiges l’ont amené à échouer devant la même instance contre Christophe Blocher, mais également à une victoire contre la « Weltwoche ».

C’est donc un très périlleux miroir aux alouettes qu’expose cette initiative, spéculant probablement largement sur une certaine ignorance du sujet, incompréhension des enjeux et frustrations qui peuvent régner dans une certaine partie de la population.

Ainsi, la volonté de conserver une Cour suprême garante d’une certaine sécurité juridique, mais également d’une dynamique représentative de l’évolution de la diversité des opinions ne peut conduire qu’à un NON à cette initiative.

Vote blanc ou refus de la loi Covid

Le 19 mars dernier, le parlement a accepté largement une modification de la loi COVID du 25 septembre 2020. Celle-ci amène de nombreuses modifications, notamment sur la manière dont les aides financières mises en place sont prolongées. Une autre nouveauté notable est la possibilité de mettre en place le certificat COVID que nous connaissons et utilisons de plus en plus au quotidien. Décroissance alternatives (da.) ne soutient pas la manière dont celui-ci est utilisé, pour diverses raisons que nous détaillons ci-après, et ne peut donc pas se prononcer en faveur de cette loi.

La loi pose la base légale permettant de mettre en place le certificat COVID. S’il est nécessaire d’empêcher la propagation du virus, il est important de rappeler que la solution actuelle en Suisse divise la société au lieu de la consolider autour de son intérêt commun, poursuit fondamentalement une idéologie de la consommation et est à bien des égards anti-sociale. Si la prolongation de nombreuses aides pour les cas de rigueur est à saluer, le fait qu’elle soit liée à la mise en place du certificat dans la votation actuelle est malheureux.

Le certificat COVID n’est pas en lui-même le problème que nous dénonçons, car la possibilité de disposer d’un système permettant d’authentifier les certificats et carnets de vaccination, test COVID et preuves de guérison internationalement compatible peut simplifier les procédures mises en place par les autorités des différents pays d’Europe afin d’endiguer la pandémie. Des procédures rapides et simples sont en effet très importantes dans la crise de grande ampleur que nous connaissons, et permet d’aider à maîtriser la transmission du virus. En soi, de ce point de vue, il s’agit d’un carnet de santé/vaccination spécialement créé pour cette crise. Cependant, plusieurs conséquences largement antisociales de la manière dont celui-ci est utilisé nous invitent à ne pas soutenir son application. Et si nous ne soutenons pas son application, le seul choix qu’il nous est possible de faire est de ne pas accepter les bases légales qui ont permis sa mise en place.

D’abord, nous relevons le fait que ce système de contrôle s’est mis en place pour parer à une crise sanitaire qui a provoqué une  surcharge du système de santé. Pourtant aucune mesure n’a été prise en vue de le renforcer, ni humainement, ni financièrement. (Nous vous invitons, à ce propos, à lire notre texte sur la votation pour le renforcement du système de santé). Et c’est la responsabilité individuelle qui prime ici encore sur l’amélioration des outils collectifs.

Un taux de vaccination plus élevé semble être un moyen efficace de lutter contre la pandémie, en sus des mesures de précautions maintenant connues. Il pourrait être atteint par une campagne explicative et incitative, faisant appel à la solidarité, tout en respectant le libre choix de chacume quant au soin, droit constitutionnel s’il en est. Mais une telle campagne n’est pas possible et ne peut avoir l’écho nécessaire, alors que toutes les actions de ces mêmes autorités proclament l’individualisme et dénigrent la solidarité, comme lorsqu’il s’agit de demander aux ultra-riches de contribuer un peu au bien commun.

Les autorités ne trouvent donc que la restriction de la liberté des personnes non-vaccinées comme moyen de faire augmenter le taux de couverture vaccinale. La restriction des libertés de certaimes, dans un système qui leur dit qu’iels ont le choix, est paradoxal, et ne peut que susciter la révolte: Faire reposer l’entier de la sécurité sanitaire sur les individus est une attitude libérale et anti-solidaire que nous critiquons. Une population à qui l’on répète à l’envi que le bien de la société résulte de la somme des intérêts individuels ne peut pas accepter facilement une mesure sanitaire qui ne se justifie que par la lutte collective  contre la maladie. L’échec de cette pensée est évident.

Première mesure antisociale, les tests jusqu’alors pris en charge par les assurances et donnant droit au certificat sont désormais à la charge de la personne cherchant à s’enquérir de son état de santé. Ce report des charges sur les individus va à l’encontre de la volonté de protéger la population du virus et charge lourdement le budget des plus précaires. Les personnes marginales, SDF ou sans papiers n’ont qu’un accès très difficile, voire impossible aux tests et au vaccin, et donc au pass. Nous savons pourtant que ces populations ont souvent une santé fragile et sont particulièrement touchées par le COVID ! L’exigence de papiers d’identité parallèlement au certificat implique que celleux n’ayant pas de papiers en règle, qui vivent déjà au quotidien dans la crainte de la police, doivent maintenant éviter tous les restaurants, les hôtels ou les lieux culturels et ne peuvent même plus entrer dans un café pour se réchauffer alors que le froid de l’hiver commence à envelopper notre pays.

Ensuite, dans la société du consumérisme, la différence de traitement entre les milieux de la culture, de l’éducation et de la restauration et celui du commerce de masse est symptomatique : rien ne s’oppose à la tenue du black friday quand les restaurateurs, les théâtres ou les salles de concert voient leur clientèle réduite comme peau de chagrin. De plus, il revient à l’établissement, soit de se procurer le matériel nécessaire à surveiller sa clientèle, soit de mettre son matériel personnel à disposition d’une mesure étatique (smartphone). Enfin c’est l’établissement qui voit son public baisser drastiquement à cause des mesures et c’est enfin ce même établissement qui sera puni d’une amende importante si ce travail de surveillance n’est pas bien fait. On responsabilise donc toujours les individus à se vacciner, mais ce sont les structures sociales, éducatives et culturelles qui les accueillent que l’on charge le plus financièrement. Sans compter que la plupart des gens travaillant dans ces domaines ne peuvent même plus prétendre aux aides mises en place durant la crise, sous prétexte que le système de certificat a tout ramené à la normale. La punition est donc triple.

Par ailleurs, nous n’admettons pas la limitation de l’accès au savoir par la mise en place du certificat dans les lieux d’études, limitant ainsi l’accès des étudiandes à leur cours. Car nous savons que tous les cours ne sont pas restés multimodaux (en ligne et en présence) malgré les directives, et les étudiandes sont une population souvent précaire qui n’a pas les moyens de se faire tester tous les deux jours. Ainsi, de nombreuses personnes ayant payé leurs frais d’écolage se retrouvent privées de leur droit d’accéder aux cours.

Enfin, dans la situation que nous connaissons, les bénéfices scandaleux des entreprises produisant les vaccins, la ruée des pays riches pour acheter plus de doses que nécessaire pour couvrir l’ensemble de leur population et l’absence désolante de solidarité internationale pour ce qui devrait être un service public accessible partout sur notre planète nous amènent également à remettre en question les priorités placées dans la gestion de cette crise.

Nous sommes pour renforcer le système de santé, pour une santé accessible à toustes, et contre toutes formes de discrimination, en particulier lorsqu’il s’agit de la santé ou de la vie sociale, estudantine et culturelle. Nous sommes pour la gratuité et une accessibilité simple et rapide aux tests. Nous sommes pour l’abolition des brevets et l’accès le plus large aux vaccins dans tous les pays. Malheureusement, ce n’est pas sur ces objets que nous votons.

Toutes ces réflexions nous poussent à vous inviter à voter blanc ou à refuser les modifications du 19 mars à la loi COVID. Non pas par refus aveugle, ni dans un rejet complet et populiste du système de santé occidental et donc de la vaccination (qui est un autre débat), et en nous distançant  des théories conspirationnistes ou fascisantes qui gangrènent ce débat. Nous défendons une sortie de crise par des mesures sociales, écologiques et solidaires plutôt qu’individualistes, consuméristes et autoritaires.