Éducation au numérique ou éducation par le numérique

Le 24 juin, le Conseil communal de Vevey s’est penché sur une demande de crédit de 571’890 francs pour l’achat et l’installation d’écrans 86 pouces dans les classes de la 3e à la 6e harmos, afin de répondre à la nouvelle orientation du canton dans le domaine de l’éducation numérique. Ce préavis était présenté comme le premier d’un triptyque destiné à couvrir l’entier des classes, pour tous les élèves, de la 1H à la 11H. Il a généré d’intenses discussions, y compris au sein de notre groupe. Si nous estimons important de pouvoir accompagner les enfants dans l’apprentissage des outils numériques, ne serait-ce que pour les utiliser de manière adaptée et apprendre à se protéger, nous estimons qu’il est primordial que cet apprentissage ne se fasse pas au détriment de la santé des enfants, et qu’il ne pénalise pas leurs compétences dans d’autres domaines.

De nombreuses études démontrent en effet que l’exposition précoce aux écrans provoque des troubles de l’attention et de la concentration, la diminution des compétences langagières et des troubles du sommeil. L’effet captivant des écrans détourne l’attention des plus petits sur d’autres stimuli, au risque de limiter leurs apprentissages dans d’autres domaines. Nos enfants ne sont pas des machines. Ils ne sont pas préconfigurés, ne se chargent pas, ne se réinitialisent pas. Iels ont besoin de toucher, d’expérimenter, de goûter, de se débrouiller, de frôler, de rêver, d’imaginer, d’entendre, de voir ; ceci avec leurs sens et non pas à travers un écran. De plus, les grandes thématiques comme l’hygiène numérique, les interactions sociales sur le web, la compréhension de l’intelligence artificielle et l’autodéfense digitale peuvent être enseignées sans écrans de 86pouces. Il ne faut pas confondre éducation au numérique et éducation par le numérique !

Pour ces raisons, décroissance-alternatives, à travers les interventions de la conseillère communale Sabrina Berrocal, a proposé deux amendements, le premier demandant l’installation d’écrans uniquement à partir de la 5P, protégeant ainsi les plus jeunes des effets néfastes des écrans, le second pour allouer un crédit pour des mesures d’accompagnement, de sensibilisation et de prévention auprès des écoliers.

Les débats ont mis en évidence la confiance de principe du PLR en la politique cantonale, et le soutien du PS à la politique de sa conseillère d’État. D’autres partis ont mis en avant des aspects financiers et pratiques (selon Vevey-Libre, il est contre-productif d’installer des écrans à la veille de possibles rénovations des collèges). Le premier amendement a été accepté, le second refusé. Finalement, le préavis amendé a été refusé par une majorité hétéroclite. Ceux qui voulaient avoir tous les écrans ont refusé d’en avoir que quelques-uns, et ceux qui n’en voulaient pas ont persisté dans leur opposition.

Ce refus final envoie un message au Conseil d’Etat: la numérisation à marche forcée ne passe pas comme une lettre à la poste. Les conséquences pratiques en sont incertaines, puisque la politique de l’éducation est une compétence cantonale et que les Communes doivent se borner à mettre à disposition l’infrastructure y relative. D’autres communes se «révolteront-elles» aussi ? Comment réagiront les autorités cantonales ?

Sur le fond, la question reste ouverte : comment construire une éducation qui intègre harmonieusement la question numérique ? Il nous semble important que ce débat ait lieu au niveau communal, et qu’il soit repris dans le cadre des prochaines élections cantonales.

pour aller plus loin… lien vers un dossier sur le sujet dans le journal Moins! n° 51