Une motion populaire vaudoise ? C’est non.

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Ce mardi, le Grand Conseil a débattu d’une initiative déposée par notre ancien camarade député Jean-Michel Dolivo qui visait à introduire un nouveau droit démocratique, celui de la motion populaire. Par 77 voix contre 42 et 9 abstentions, la majorité du parlement, incluant le parti socialiste, a trouvé inutile voire indésirable l’introduction de ce droit afin d’élargir ceux qui existent déjà, et dont les cantons de Schaffhouse, Fribourg, Neuchâtel et Soleure sont d’ores et déjà dotés. Une occasion manquée vers plus de vitalité démocratique.

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CC BY-SA 4.0, Image : GattoCeliaco

Cet instrument permet d’élargir les droits démocratiques, et par là-même, d’encourager la participation. C’est fondamentalement une très bonne chose, d’autant plus à l’heure actuelle où des défis de taille sont à relever, notamment en matière de durabilité. Ces défis nécessitent une implication de tous les acteurs et actrices de nos sociétés et un fort engagement de la population vis-à-vis des questions politiques. C’est également une bonne chose à l’heure où les appels à davantage de démocratie participative s’élèvent de plus en plus, en particulier au sein des mouvements sociaux. Cet appel doit être entendu et en ce sens, l’initiative répond, certes partiellement, à une volonté actuelle.

Complémentaire à l’initiative populaire et à la pétition

La motion populaire vient compléter les outils démocratiques en comblant les écarts existant entre l’initiative populaire et la pétition. Elle est moins coûteuse et moins lourde à mettre en place qu’une initiative populaire et, de plus, est adressée directement au parlement pour qu’il se prononce dessus.

On aura entendu que le droit de pétition est suffisant. Mais la motion populaire s’en distingue parce qu’elle est plus contraignante : la pétition peut être soit classée, soit prise en considération et renvoyée à l’autorité compétente. Dans le cas d’un renvoi, l’autorité compétente peut en faire absolument ce que bon lui semble (en sachant que les renvois de pétitions au Conseil d’État arrivent moins souvent que leur classement). Ainsi, la pétition ne permet pas de demander au Conseil d’État de prendre une mesure. Les deux outils ont donc des portées différentes.

La motion populaire existe déjà ailleurs

Enfin, la motion populaire existe dans d’autres cantons : Schaffhouse, Fribourg, Neuchâtel et Soleure (elle existe même dans certaines communes suisses). À Neuchâtel et à Fribourg, par exemple, elle a permis aux personnes engagées pour le climat de faire usage de cet outil, et a conduit au dépôt de motions populaires en lien avec le climat. Dans un contexte comme le nôtre, une telle participation de la société civile aux problématiques environnementales n’est que très bienvenue ; et cette considération s’applique évidemment à d’autres défis sociétaux.

Un outil inutile ? 

On a entendu lors des débats, à gauche de l’hémicycle y compris, que cet outil était inefficace, puisque le taux de réussite des motions populaires dans les cantons où elle existe n’est pas élevé : à Fribourg, parmi les 23 motions populaires déposées entre 2010 et 2015, 15 ont été refusées, 2 ont été jugées irrecevables et 6 prises en considération. Sur les 6 motions prises en considération, 4 ont été suivies d’effet. Ceci correspond à 26 % de prise en considération, pour 17 % de succès… Depuis la perspective de groupes minoritaires, comme les nôtres, ces chiffres sont monnaie courante, et n’empêchent pas de mener des combats couronnés de succès, ou de donner lieu à des débats intéressants, qui n’auraient pas eu lieu sans de telles interventions.

Chacun son travail ? 

Il a également été dit que le parlement, étant élu par le peuple, représente la population et relaie déjà ses préoccupations. Ce serait donc inutile de lui offrir un droit démocratique supplémentaire, il faudrait laisser le parlement faire son travail sans que ne vienne s’en mêler les citoyennes et les citoyens ? Au sujet de la bonne représentation du peuple, on se permettra d’émettre quelques réserves : entre le taux d’abstention élevé, la part de population n’ayant pas le droit de vote peu représentée et le manque de diversité parmi les professions présentes au Grand Conseil, on en déduit que tout cela pourrait et devrait être largement amélioré. Et que l’adoption du système de motion populaire aurait pu y contribuer. 

Un précédent

La proposition de motion populaire figurait dans l’avant-projet de Constitution vaudoise jusqu’au 14 décembre 2001, où elle en fut retirée par 73 OUI, contre 58 NON, et 2 abstentions. A noter que l’argumentation contre tenait à la trop grande facilité de récolte de 500 signatures, du fait que très bientôt les signatures électroniques allaient être reconnues comme valables. Politique-fiction… Intéressant aussi de constater qu’alors la droite combattait la proposition, qui était défendue par la gauche. Se croire au pouvoir amènerait-il un changement de point de vue ? 

Une occasion manquée

Ce refus est une occasion manquée. Nous espérons que le parlement, incluant le parti socialiste, saisira les prochaines occasions qui se présenteront à lui pour s’orienter vers davantage de démocratie participative.