Election complémentaire à la Municipalité de Vevey du 21 juin 2020

Entretien avec Yvan

Député au Grand Conseil vaudois et conseiller communal à Vevey, Yvan Luccarini est aussi cofondateur du journal romand d’écologie politique Moins ! dans lequel il est salarié à 25 % en tant que metteur en pages. Âgé de 49 ans, il est marié et heureux papa de deux filles de 9 et 11 ans.

La Municipalité de Vevey a souvent défrayé la chronique ces trois dernières années : audits, enquêtes administratives, plaintes pénales, suspensions, procès et mésentente constante entre membres de la municipalité. Et c’est dans ces circonstances que tu te présentes à cette élection ?

On peut souligner encore le découragement et la souffrance d’une partie du personnel communal. Toutefois, je ne suis pas masochiste et je pense pouvoir contribuer au bien commun par des décisions utiles. De plus, il est particulièrement nécessaire et urgent de mettre fin à cette spirale délétère pour regagner la confiance des citoyen·nes. C’est clairement un défi difficile en seulement 11 mois, mais je pense être bien placé pour réussir à le relever.

En quoi t’estimes-tu bien placé ?

Notre mouvement n’a pas été impliqué dans ces conflits et nous n’avons eu aucune complaisance pour tous les actes commis depuis le début de cette crise. Nous avons toujours plaidé et agi pour la transparence, tout en proposant des solutions pour sortir de la crise, et en alertant contre les mesures risquant d’aggraver la situation. C’est donc sans aucune casserole, sans conflit d’intérêts et sans rien devoir à personne, sinon à mes électrices et électeurs, que j’arriverai à la municipalité. Ça me semble un bon point de départ.

Mais politiquement, tes positions parfois considérées comme extrêmes ne vont-elles pas être un handicap ?

La réponse à cette question est double. D’une part dans la situation de crises multiples que nous connaissons, seules des solutions radicales — qui vont à la racine des problèmes — sont à la hauteur de la nécessité. Les mesures que nous proposons en matière d’écologie ou de lutte contre les inégalités sont donc simplement nécessaires. J’espère qu’une majorité de la population s’en convaincra avant qu’il ne soit trop tard. D’autre part, les compétences d’une commune ne sont pas très étendues. On peut faire des pas dans la bonne direction, mais les solutions globales dépendent d’autres niveaux, comme le canton — où je me bats actuellement au Grand Conseil pour concrétiser notre politique.

Penses-tu que ce sera plus facile à la municipalité qu’au Grand Conseil ?

A priori, oui. Les programmes sur lesquels les membres de la municipalité ont été élu·es en 2016 montrent qu’il n’y a pas de désaccord insurmontable dans plusieurs domaines clés comme l’urbanisme, le logement, les économies d’énergie, le social ou encore le commerce de proximité.

Mais les programmes et les positions politiques de principe ne semblent pas avoir été le motif principal dans le conflit quasi permanent de ces dernières années !

C’est hélas vrai. J’ai le sentiment que des conflits de pouvoir ont pris le pas sur la discussion d’idées et les projets politiques. Ce qui a engendré un fonctionnement totalement illogique, parfaitement contre-productif et dommageable, tant pour le collège municipal que pour l’administration communale.

Alors comment ton élection va-t-elle changer cela ?

La municipalité, dans sa composition actuelle, est figée dans une logique de blocs, avec une « majorité » (en cas d’égalité, la voix de la syndique est prépondérante) et une minorité automatiques dès qu’il y a un désaccord. Mon arrivée, totalement hors de cette logique perverse, forcera tous les membres de la municipalité à remettre la politique au centre des discussions. Discuter de façon ouverte des raisons d’une proposition, de ses avantages et désavantages, c’est ce qui permet soit une réelle approbation unanime, soit un compromis acceptable, collégialement.

Tu défends donc la collégialité ?

Il est peu probable que toutes mes propositions soient adoptées à l’unanimité, ou que j’adore toutes celles des autres membres de la municipalité ! Il est réaliste de penser que de nombreuses décisions seront le fruit de compromis, et je m’attacherai à ce qu’ils tiennent compte de tous les avis, afin de ne pas retomber dans la même logique de blocs. Une décision, même peu ou pas satisfaisante, peut être défendue collégialement si dans la discussion qui l’a précédée les arguments de chacun·e ont pu s’exprimer et ont été écoutés. Le respect de la collégialité implique le respect mutuel des membres du collège. Sinon, ce n’est qu’une discipline autoritaire et artificielle.

Être municipal, c’est être l’un des patrons d’une entreprise de plus de 300 employé·es. Y es-tu prêt ?

Une commune n’est justement pas une entreprise ! Son but n’est pas de faire du profit, mais de répondre aux besoins de la collectivité. Ces besoins ne diminuent pas, et tendent plutôt à augmenter. Il faut donc maintenir les ressources fiscales nécessaires pour continuer à y répondre. Quant au personnel communal, il est en souffrance. Les gros efforts de ces dernières années pour faire plus avec moins n’ont pas été assez reconnus. La gestion autoritaire des « ressources » humaines a contribué à décourager les bonnes volontés. Ce sera pour moi une priorité d’inverser la tendance.

Ton engagement est à la base très global. Comment passer au local ?

Le constat est incontournable et angoissant : la société mondiale dans laquelle nous vivons fonce dans le mur. Le climat se dérègle. Les ressources s’épuisent. La biodiversité s’effondre. Guerres, persécutions et misère forcent des millions de personnes à l’exil. Stress, chômage et précarité augmentent alors que les richesses se concentrent dans les mains d’une minorité. Un radical changement de cap est nécessaire et urgent, mais il ne tombera pas du ciel ! Dans notre commune, nous pouvons agir sur le vivre ensemble, la solidarité et la résilience locale, et contribuer ainsi à remettre l’humain et l’écologie au centre de nos préoccupations.