Pas d’avenir sans décroissance

Un spectre hante certain·es conseiller·ères d’État PLR: la décroissance. Et iels le font savoir, profitant de leur tribune médiatique pour discréditer ce mouvement, détournant ainsi le regard sur l’énorme responsabilité de leur système économique dans la crise.

Disons-le tout de suite: la crise, les privations et restrictions qu’elle provoque n’ont rien à voir avec la décroissance. Elles sont le signe de la faillite d’un système basé sur la croissance à tout prix.

L’épidémie n’est venue ni d’un laboratoire chinois ni de la volonté d’un animal retors: elle est la conséquence d’une économie capitaliste et productiviste basée sur la croissance. Elle a notamment été causée par la destruction des écosystèmes, l’élevage intensif et la mondialisation (voir les articles ci-dessous).

Quand le virus s’est propagé dans le reste du monde, la plupart des pays se sont rendu compte qu’ils étaient incapables de produire des masques en suffisance, et que même l’approvisionnement en oxygène et en médicaments posait problème. Là encore, les responsabilités d’une politique visant exclusivement la croissance sont lourdes: dans ce système, délocaliser la production de biens essentiels est rentable… Peu importe si cela crée du chômage, peu importe si cela nous rend vulnérables aux prochaines crises.

La finalité de la croissance, c’est la croissance. Au prix de la destruction de la planète, de guerres, de morts en Méditerranée ou de l’accroissement continu des inégalités.

La décroissance est par contre un projet politique, écologique et social, elle est choisie plutôt que subie et c’est ce qui la différencie de la récession que l’on connaît aujourd’hui. Le projet de décroissance, c’est notamment:

  • mettre fin aux inégalités plutôt que de les renforcer;
  • orienter la production sur les besoins de la population plutôt que sur les profits d’une minorité;
  • valoriser le bien commun plutôt que la marchandisation de nos vies;
  • travailler moins pour vivre mieux plutôt que perdre sa vie à la gagner;
  • vivre en harmonie avec la nature et tous les êtres vivants plutôt que de les dominer et les exploiter.

Enfin, la décroissance, c’est renoncer au dogme des indicateurs comme le PIB, afin de redonner plus de place à des dimensions essentielles de la vie — culturelle, artistique, affective, spirituelle, philosophique, citoyenne, altruiste — reléguées aujourd’hui à une place marginale, mais qui pourraient être développées réellement sans limites et sans péril pour la planète.

L’utopie aujourd’hui ce n’est pas de formuler d’autres possibles, mais de penser que l’on pourra continuer comme cela, sans rien changer.


Sources:
Sonia Shah, «Contre les pandémies, l’écologie», Le Monde diplomatique, mars 2020
Jérôme Duval, «Oxygène confisqué», Le Courrier, 29 mars 2020
Christelle Luisier Brodard, «Nous avons à reconstruire un monde durable», 24heures: L’invitée, 4 mai 2020

Photo: Jorge Lemos