Pas d’avenir sans décroissance
Ce mardi 28 mai 2019, le Grand Conseil vaudois a décidé de classer, par 71 voix contre 69, l’initiative déposée au Grand Conseil par notre député Yvan Luccarini. Celle-ci proposait une nouvelle loi pour orienter l’action publique face à la crise climatique. Elle fixait notamment, sur le plan cantonal, des objectifs impératifs et des actions concrètes en matière d’écologie et de lutte contre le changement climatique. Une heure trente de débat aura suffi pour constater que la majorité du parlement vaudois préfère multiplier les résolutions non contraignantes et s’en gargariser dans les médias, que passer réellement à l’action. L’intensification de l’action citoyenne dans le cadre des mobilisations pour le climat est donc plus importante que jamais.
Au cours du débat, les propositions du texte ont été qualifiées d’extrémistes et d’idéologiques, en les réduisant à un soi-disant programme électoraliste et communiste. Cette initiative a aussi été assimilée à une prise d’otage qui ne laissait aucune marge de manœuvre au parlement, un député PLR a même annoncé qu’il préférait déménager en Corée du Nord si une pareille loi venait à être acceptée…
Plus grotesque encore, l’une des mesures, qui proposait trois repas végétariens par semaines dans les structures gérées par l’État, a suscité par trois fois des réactions virulentes. Doit-on en déduire que certain·nes député·es ont un problème dogmatique avec la consommation de fruits et de légumes⸮
La question de l’intégration du temps de trajet dans le temps de travail a également fait l’objet de deux interventions niant le rapport entre le climat et cette proposition. Peut-être faudrait-il rappeler à ces député·es que la mobilité est l’une des deux premières sources d’émission de CO2 dans notre canton, et que cette mesure méritait d’être envisagée, parmi d’autres.
Enfin, la droite a attaqué le caractère obligatoire de certaines mesures en les considérant comme des propositions liberticides. Pourtant, bon nombre de celles-ci avaient plutôt un caractère incitatif. De plus, le projet de loi prévoyait que le plan de mesures soit largement débattu au sein de la population puis soumis au référendum obligatoire. Ces interdictions et limitations auraient donc été socialement construites et confirmées dans une perspective de préservation du bien commun, comme le sont par exemple la limitation de vitesse sur les routes ou l’interdiction de la publicité pour l’alcool et la cigarette.
Une faible majorité du parlement a finalement décidé d’enterrer cette initiative plutôt que d’en débattre en commission et notre proposition de renvoi immédiat n’a été soutenue par aucun groupe. Le Conseil d’État, quant à lui, a affirmé son souhait de garder seul la compétence d’élaborer le plan climat en déclarant qu’une loi n’était pas nécessaire. Proposera-t-il des mesures permettant au canton de Vaud de faire sa part pour limiter à 1,5 °C le réchauffement climatique, comme le préconise le GIEC? Peut-on vraiment penser qu’un nouveau compromis à la vaudoise, comme le Conseil d’État en a l’habitude, suffira à répondre à l’urgence climatique?
Nous condamnons fermement l’arrogance de la droite du parlement qui a montré qu’elle avait peur non pas du réchauffement climatique, mais du nécessaire changement de paradigme, vers une décroissance choisie qui est, à notre sens, la seule voie permettant de résoudre la crise climatique.
Pour rappel, cette loi s’articulait autour de six principes:
a) le principe d’urgence, soit la priorité d’exécution des projets publics et politiques ayant un effet positif sur l’environnement et le climat;
b) le principe de proportionnalité, soit le fait que les acteurs portant une lourde responsabilité dans la crise climatique sont ceux qui doivent apporter la plus grande contribution afin d’en sortir;
c) le principe de justice sociale, soit la garantie de la protection sociale, de l’emploi et d’un revenu permettant notamment l’accès à l’éducation, à la santé et au logement pour l’ensemble de la population;
d) le principe de justice climatique, soit la solidarité avec les réfugiés et les pays qui subissent les conséquences les plus graves du changement climatique;
e) le principe de précaution, soit la prise en considération des conséquences des technologies dans la lutte contre les effets du réchauffement climatique, notamment en matière de santé, de ressources et de lien social;
f) le principe d’autonomie, soit la constitution de structures participatives décentralisées contribuant aux prises de décisions visant tant à atteindre les objectifs de la présente loi que la mise en œuvre des mesures du Plan.
La loi fixait notamment comme objectifs généraux l’abandon complet du pétrole, du charbon et du gaz naturel dans un délai de 20 ans, ainsi que l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2030 pour apporter une réponse au dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU. Celui-ci présentait les conséquences catastrophiques que pourrait avoir un réchauffement climatique global supérieur à 1,5 °C.
Avec les six principes définis ci-dessus, des objectifs spécifiques et des actions concrètes se déclinaient dans différents domaines: mobilité et transports de marchandises; chauffage des bâtiments; énergie; agriculture; travail et production; finances publiques; consommation.
La mise en œuvre de ces objectifs et actions aurait été définie à travers le «Plan climat vaudois». Ce catalogue de mesures était assorti de délais pour chacune d’entre elles et leur financement assuré par de nouveaux prélèvements. L’ensemble de cette stratégie aurait fait l’objet d’une large information au public et, une fois finalisé, le «Plan climat vaudois» aurait été soumis au référendum obligatoire.