Motion déposée au Grand Conseil en séance du 8 mai 2018 « Notre regard n’est pas à vendre »

La publicité commerciale est aujourd’hui omniprésente dans nos environnements et a su conquérir, depuis un certain nombre d’années, des territoires de plus en plus vastes pour capter nos attentions et nous pousser à consommer.

La pression publicitaire à laquelle nous sommes soumis-e-s frôle aujourd’hui l’insupportable. En 2014, Farida Shaheed, rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels à l’ONU, s’inquiétait d’ailleurs dans un rapport de la présence disproportionnée de publicités et de marketing dans les espaces publics, de la quantité sidérante de messages publicitaires et promotionnels que nous recevons chaque jours (nous sommes en effet exposés à des milliers de stimuli commerciaux) ainsi que des techniques les plus variées pour nous mener à consommer, qui visent notamment à court-circuiter les modes rationnels de la prise de décision.

On constate d’ailleurs que ces préoccupations autour de la publicité sont présentes dans les discours politiques de divers bords. En témoignent les diverses interventions fédérales, cantonales et communales autour, par exemple, de la publicité pour le crédit à la consommation; celles, dans diverses communes, demandant une nouvelle politique d’affichage urbain qui ferait disparaître les panneaux publicitaires de l’espace public (Nyon, Fribourg, et bientôt Vevey) ; ou l’initiative communale « Genève Zéro Pub », qui vient d’aboutir.

Ajoutons encore que nos enfants sont des destinataires privilégiés des agences publicitaires. Dès trois ans déjà, ceux-ci sont capables de reconnaître des logos de marques, voire de les dessiner,  et c’est aussi dès cet âge que les marques essaient de fidéliser leurs consommateur-trice-s. On dit entre autre qu’un enfant de six ans en milieu urbain pourrait identifier davantage de logos de marques que d’espèces végétales. Il est important de prendre au sérieux cette problématique. En 2014, un rapport de l’Office fédéral pour l’enfance et la jeunesse pointait du doigt ce problème, en indiquant notamment que ce jeune public ne disposait par encore du recul nécessaire pour se protéger du matraquage des grandes marques. Ce rapport indiquait entre autre qu’il était important de réserver des espaces sans publicité pour les enfants.

Il serait donc temps de réfléchir à cette problématique, notamment en revoyant la politique d’affichage de publicités commerciales sur l’espace public. A l’instar de la ville de Grenoble, par exemple, qui a banni les panneaux publicitaires de sa ville en 2014.

Repenser la politique d’affichage en supprimant la publicité commerciale permettrait notamment de :

  • cesser de vendre – voire brader – les regards des habitant-e-s à des grands groupes commerciaux sans qu’ils-elles ne puissent choisir de les recevoir ou non ;
  • garantir une vraie liberté de réception aux vaudois-e-s, comme il est possible de le faire en apposant un autocollant sur sa boîte aux lettres, en zappant lors de la publicité à la télévision ou en téléchargeant un logiciel sur internet ;
  • ne plus imposer celle-ci à nos enfants, cibles privilégiées des agences publicitaires.
  • libérer le tissu économique local et le commerce de proximité de la pression des grands groupes et s’inscrire ainsi dans une perspective de défense du commerce de proximité, pourvoyeurs de liens sociaux et de qualité de la vie ;
  • cesser de soutenir des encouragements à une consommation et une croissance illimitées aux conséquences écologiques et sociales catastrophiques ;
  • redécouvrir le paysage urbain en le libérant d’une pollution visuelle
  • réinventer l’espace public, en mettant en valeur le tissu artistique, culturel et associatif local, ou encore, par exemple, en ramenant de la nature sur ces espaces libérés.

La motion « Notre regard n’est pas à vendre » demande donc une révision de la Loi sur les procédés de réclame du 6 décembre 1988 (LPR) afin de bannir la publicité commerciale sur le domaine public.