La décroissance aux finances?

Sans pour autant avoir des dons divinatoires, il est raisonnable d’imaginer que le nouveau municipal élu le 21 juin prochain reprendra les mêmes dicastères que le municipal PLR démissionnaire. En effet, à seulement 11 mois des élections générales et du passage à sept membres de l’exécutif, rebrasser toutes les responsabilités n’apparaît pas comme une nécessité, tant pour les services que pour la municipalité.

Dès lors, le nouveau municipal élu pourrait se retrouver en charge de la Direction de la jeunesse, de l’éducation, de la famille et des sports (DJEFS), du Réseau enfance Vevey et environs (REVE), de l’Association Sécurité Riviera (ASR) et de la Direction des finances et de l’économie (DF).

S’il est élu, notre candidat est bien entendu prêt à prendre toutes les responsabilités qui lui seront confiées au sein du collège municipal et, malgré les idées reçues, nous voyons son action au sein notamment de la Direction des finances comme un défi très intéressant à relever. C’est pourquoi nous aimerions revenir sur quelques idées reçues en matière de finances publiques, qu’elles échoient à Yvan Luccarini ou pas.

«A Vevey, plus de la moitié des contribuables ne payent pas d’impôts.»

Cette affirmation revient souvent sur la table, tant pendant les débats du Conseil communal que sur les réseaux sociaux ou au café du commerce, pourtant elle est complètement fausse.

Tout d’abord, il y a un impôt auquel personne n’échappe: la TVA! Et par son mécanisme de pourcentage fixe, elle frappe de plein fouet les plus faibles revenus perpétuant et aggravant ainsi les inégalités.

Puis si l’on observe maintenant la pyramide fiscale, on constate qu’à Vevey ce sont non pas plus de la moitié, mais environ 25% des contribuables qui ne payent pas d’impôts directs, soit au même niveau que la moyenne cantonale.

Cette allégation ne poursuit donc qu’un seul objectif: celui de stigmatiser les personnes à revenu modeste, en oubliant le fait qu’elle seraient certainement ravies de gagner plus et de payer des impôts! Ce qui est donc ici en cause, c’est la politique patronale de bas salaires dans de nombreux de secteurs.

«Une commune doit être gérée comme une entreprise.»

Passé le malaise provoqué par cette comparaison lorsque l’on se rappelle que les plus grosses entreprises et multinationales de notre canton sont aussi les championnes de l’optimisation fiscale, autrement dit de la fraude légalisée, on peut affirmer encore plus sereinement qu’une commune n’est pas une entreprise.

En effet, une collectivité publique gère de l’argent public en visant l’intérêt général dans le cadre d’une mission définie démocratiquement par la Constitution et les lois. Elle n’a pas de client·es, mais des administré·es dont elle a le devoir de s’occuper sans discrimination. De plus, tout argent perçu par la commune est utilisé pour payer des salaires ou réaliser des travaux, il n’y en a aucune part soustraite au profit d’actionnaires ou de divers bonus. Vous conviendrez que c’est bien éloigné d’une entreprise privée qui développe ses propres activités dans un marché libre et concurrentiel. Ou bien?

«Pour mettre fin aux déficits à répétition, il faut dégraisser le mammouth.»

Voilà la ritournelle des partis bourgeois, PLR en tête, lorsqu’il s’agit de se plaindre du déficit budgétaire en comparant l’administration à un mammouth qui engloutirait l’argent public inutilement. Ceci sans aucune considération pour le travail et le dévouement au bien commun des employé·es de la commune.

Pourtant si l’on veut se préoccuper réellement du déficit, il convient plutôt d’en chercher les véritables origines.

Il y a d’abord la concurrence fiscale entre les communes, incitant certain·es contribuables à vivre décentré·es et ainsi profiter des infrastructures et des offres des villes-centres sans pour autant contribuer à leurs coûts de fonctionnement.

Mais il y a aussi la politique fiscale cantonale, imposée par ces mêmes partis bourgeois qui crient au loup au moindre déficit. Durant les 15 dernières années, le Canton de Vaud s’est refait une santé financière sur le dos des communes. Pendant qu’il engrange maintenant des centaines de millions de bénéfice chaque année les communes creusent un trou du même ordre de grandeur, cherchez l’erreur. Rien que la dernière réforme de l’imposition des entreprises (RIE3 vaudoise) a amputé de plusieurs millions les recettes fiscales de la commune de Vevey. Et on essaye de nous faire croire que cette politique fiscale libérale va dynamiser l’économie vaudoise et que l’argent va ruisseler jusque dans les porte-monnaie des contribuables. Cela n’est vrai que pour les plus riches!

Enfin, il y a déficit et déficit. Celui qui serait alarmant, c’est si notre commune devait emprunter pour assurer son fonctionnement (services publics, salaires, loyers, etc.). Autrement dit, si le «cahier du lait» présentait plus de charges que de revenus. Ce n’est absolument pas le cas à Vevey, car nos comptes présentent chaque année un excédent brut confortable de plusieurs millions (en moyenne 7,5 millions entre 2012 et 2019). Appelé aussi marge d’autofinancement, cet excédent représente les fonds propres disponibles pour financer de nouveaux investissements. Et c’est justement après amortissements que nos comptes présentent un déficit. Ce n’est évidemment pas une réjouissance, mais ce n’est pas alarmant pour autant, notamment dans le contexte du marché financier actuel et surtout parce que nous ne sommes pas responsables de cet état de fait!

«Notre ville est minée par les dettes»

Voilà une dernière idée reçue qui ressurgit pendant toutes les campagnes électorales. Toutefois, si l’on veut parler de dettes, il convient aussi de se pencher sur la fortune. Voici donc un petit résumé de la situation veveysanne.

Notre patrimoine se divise en deux catégories: le patrimoine administratif et le patrimoine financier. Le premier est constitué de tout ce que la commune possède et qui lui est nécessaire pour remplir sa mission de service public (Hôtel de Ville, bâtiments scolaires, routes…); il ne peut pas être vendu et donc, comme le prévoit la loi, sa valeur comptable est de zéro. Le second, constitué principalement d’immeubles locatifs (en tête les tours de Gilamont), représente un montant total de 97,5 millions et génère un rendement financier productif.

Ce qui est intéressant, c’est de constater qu’à la fois la valeur du patrimoine financier fait office de garantie pour la moitié des emprunts communaux d’un montant de 198 millions et que son rendement financier est supérieur aux montants des intérêts de la dette. Il est vrai que si les intérêts bancaires venaient à flamber, cette situation pourrait s’inverser, mais il n’y a vraiment ni matière à crier à la mauvaise gestion ni à tirer la sonnette d’alarme.

Une fois les idées reçues mises de côté, que faire?

En matière de finances communales, il convient tout d’abord de faire preuve de modestie. Notamment parce que la très grande majorité de nos charges sont «liées», c’est-à-dire que nous n’avons aucune prise sur elles: le Conseil communal pourrait décider de les retirer du budget ou d’en diminuer le montant, elles seraient dues de toute façon en vertu des lois cantonales et fédérales. Les rapports de la commission des finances pour le budget 2019 (majorité et minorité) estimaient que la somme sur laquelle il existe des choix possibles en théorie se limitait… à 3 millions (sur quelque 150 millions!).

Dès lors, tout comme les ressources naturelles, la première priorité est de protéger nos ressources financières et les utiliser avec parcimonie. Cela n’est d’ailleurs pas sans nous rappeler certains points centraux du projet de décroissance comme la notion de limite et la sobriété! Mais protéger signifie cesser de couper à la hache dans les ressources de la commune par de successives baisses d’impôts à tous les niveaux qui ne profitent finalement qu’aux très hauts revenus ou aux entreprises qui réalisent de gros bénéfices.

Les finances sont par excellence transversales au sein d’une administration. Cela implique donc une grande qualité d’écoute des nécessités, projets et envies de tous les services communaux, ainsi qu’un contact étroit avec la population, les entreprises et les associations locales pour être à l’écoute de leurs besoins.

Le budget de la commune, voté chaque année, détermine la qualité des services à la population, et quels projets et actions seront menés durant l’année à venir. Vu son importance, le projet de budget, élaboré par la municipalité, devrait faire l’objet d’une transparence exemplaire en mettant en regard des moyens à disposition les obligations, les nécessités, les besoins, les projets et les envies des administré·es et des services. Puis, avec la solidarité et la résilience locale en ligne de mire, la municipalité devrait proposer explicitement un certain nombre d’arbitrages et de décisions, s’il n’est pas possible de tout réaliser.

Ainsi, c’est avec le meilleur niveau d’information possible que la Commission des finances proposerait ses propres arbitrages, et que le Conseil communal prendrait sa décision.

Maintenant que l’on a vu que les finances ne sont pas qu’une question de colonnes et de chiffres, notre candidat s’engage dans ce domaine à:

  • entretenir un lien étroit avec la population, les entreprises locales et les associations pour identifier leurs besoins, leurs projets et leurs envies;
  • collaborer de manière transversale et activement avec tous les services de l’administration pour l’établissement de leur budget;
  • instaurer un processus transparent d’élaboration du budget global de la commune, orienté vers la solidarité et la résilience locale;
  • être à l’écoute des commissions de surveillance et du Conseil communal;
  • défendre les ressources financières de la commune auprès des autorités cantonales et fédérales;
  • étudier toutes les opportunités d’investissements productifs, notamment ceux visant à sortir des objets immobiliers du marché libre.