De la solidarité à la résilience locale

Tout s’arrête. Et après? On repart ou on réfléchit?
Le monde s’est mis en suspens. Arrêté, son équilibre vacille. S’il ne tombait pas jusqu’alors, c’est qu’il avançait à marche forcée, brûlant les dernières énergies fossiles, surexploitant la planète et creusant les inégalités. Comment se remettra-t-il en marche? Quels seront les bouleversements que laissera derrière elle la crise sanitaire sans précédent que nous traversons? Il est trop tôt pour le dire, mais pas pour agir. Étymologiquement, crise vient du grec Krisis, qui peut signifier à la fois: choix, décision ou dénouement. La crise porte donc en elle la possibilité de changement, de renouveau. Alors pourquoi pas pour le meilleur?

La solidarité, oui. Mais quelle solidarité?
Les appels à la solidarité fleurissent partout. Ils sont d’autant plus touchants que ce mot avait quasiment disparu du langage courant, après des décennies de politique néo-libérale érigeant la «saine» concurrence comme principe de société. L’individu avant le groupe; la réussite personnelle avant la réussite collective; l’enrichissement de quelques-un·es plutôt que la justice sociale. Mais ce «chacun pour soi» nous paraît bien futile en ces temps de crise. A quoi sert-il de réussir individuellement, si nous ne sommes plus capables de veiller les un·es sur les autres?

Au milieu du confinement général, nous mesurons la valeur des relations humaines et des espaces en communs. Nous prenons conscience que les quelques mots échangés avec les commerçant·es du quartier ou les maraîcher·ères valent bien mieux que l’anonymat des supermarchés. Les difficultés d’approvisionnement nous montrent que nous dépendons trop des circuits commerciaux et alimentaires longs, au détriment des producteur·rices et artisan·es de la région.

De la solidarité à la résilience
Bien sûr, la crise sanitaire prendra fin, mais voulons-nous vraiment reprendre inchangée la vie que nous menions avant? D’ailleurs d’autres crises pointent déjà à l’horizon: économique, sociale et écologique. Sommes-nous prêt·es à les affronter de manière solidaire, sans laisser personne de côté? Notre société est-elle suffisamment résiliente [1]? On peut légitimement en douter. Mais alors, que faire?

Agir maintenant. Ne pas attendre que le monde reparte sur les mêmes rails. Ne pas attendre qu’un hypothétique changement nous tombe dessus. L’État se prépare à injecter des milliards dans la relance économique avec, pour l’instant, comme seules conditions que les entreprises bénéficiant d’aides ne paient pas de dividendes cette année…

Nous sommes pourtant à un moment charnière où l’intervention de l’État pourrait être conditionnée pour atteindre les objectifs en matière de climat et pour réduire les inégalités. C’est l’occasion de choisir démocratiquement les priorités de l’appui financier et d’affirmer que ce n’est pas l’économie qui commande. Cette crise nous montre justement l’importance de l’autonomie et de l’entraide. Elle met aussi en lumière les inégalités et nul ne peut y rester insensible et ignorer que sans changement de paradigme, elles continueront à se creuser.

L’État, soutenu par les médias qui n’en parlent plus, semble oublier les importantes mobilisations populaires de 2019 pour le climat et pour l’égalité.

Seulement, la pandémie limite les contacts et par là aussi tout le travail parlementaire et de militantisme. La société civile peut elle toujours agir et il y a beaucoup de choses qui peuvent se mettre en place à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’une région, collectivement. En voici quelques exemples:

  • faire vivre nos quartiers et promouvoir le vivre-ensemble: créer des espaces en commun et des potagers urbains;
  • partager nos compétences, nos savoirs et nos outils;
  • encourager les échanges entre ville et campagne, en soutenant l’agriculture locale et en favorisant les circuits alimentaires courts et les contacts avec les producteur·rices;
  • défendre le commerce de proximité plutôt que les grandes surfaces;
  • soutenir le tissu associatif et culturel local;
  • réfléchir ensemble à l’aménagement de notre ville (espaces publics, mobilité, manifestations…);
  • privilégier l’artisanat et les petites industries locales, relocaliser les emplois en ville.

C’est dans cette perspective que notre mouvement décroissance alternatives met à disposition le forum [2] résilien (www.resilien.ch), un espace participatif de débat et de discussion, dont le but est de faire émerger des propositions de tout ordre pour renforcer la solidarité et la résilience locales dans la région de la Riviera. Sur ce site, vous pourrez librement parler d’un projet solidaire qui vous tient à cœur, proposer un service, un outil, une compétence à ceux qui en ont besoin, écrire un texte créatif ou de réflexion sur le coronavirus, réfléchir à des moyens pour rapprocher producteur·rices et consommateur·rices, entre autres.

Ce forum se veut complémentaire aux initiatives déjà existantes, permettant par exemple de favoriser les échanges entre les personnes qui portent des projets et celles qui cherchent à s’engager d’une manière ou d’une autre. Il a vocation à évoluer à travers les contributions que nous souhaitons variées et plurielles. Nous espérons qu’il permettra de préparer des assemblées populaires, des rencontres et des projets concrets dès la fin de la période de confinement et qu’il continuera à les alimenter au-delà.

[1] Dans le domaine de l’écologie, la résilience définit la capacité d’un système à absorber une perturbation – que cette dernière soit économique, sociale ou écologique – et à maintenir son fonctionnement voir à évoluer de manière positive.

[2] Dans l’antiquité, on appelait «forum» la «place où se tenaient les assemblées du peuple et où se discutaient les affaires publiques à Rome». Une deuxième acception: «Réunion-débat. Colloque». Encore: «Espace virtuel sur Internet qui permet de dialoguer en temps différé par échange de messages écrits lisibles par tous».

Illustration de Titom, mise à disposition selon la licence Creative Commons by-nc-nd 2.0 be.