Projet de règlement communal sur les procédés de réclame

Les Conseils communaux ou généraux de nombreuses communes vaudoises ont adopté un règlement spécifique sur les procédés de réclame, fondé sur la loi cantonale du même nom et son règlement d’application.

En raison des débats récurrents dans notre commune à propos de l’affichage publicitaire commercial, culturel et politique, il nous semble opportun et nécessaire de se doter d’un règlement en la matière. Tant pour clarifier la politique publique dans ce domaine que pour reprendre en mains de ce Conseil la définition d’une vision commune de l’usage du domaine public qui fait malheureusement bien défaut au sein de la Municipalité.

Les procédés de réclame se définissent comme «tous les moyens graphiques, plastiques, éclairés, lumineux ou sonores destinés à attirer l’attention du public, à l’extérieur, dans le but direct ou indirect de publicité, de promotion d’une idée ou d’une activité ou de propagande politique ou religieuse». On peut les diviser en deux grandes catégories:

  • les procédés de réclame pour compte propre qui présentent un rapport de lieu et de connexité avec les commerces ou les entreprises dont ils font la réclame, ce sont donc en général les enseignes;
  • les procédés de réclame pour compte de tiers, pour tous ceux qui ne rentrent pas dans la première catégorie, soit le plus souvent des affiches.

Une fois le but et les définitions en place, voici quelques points essentiels du projet de règlement que nous mettons aujourd’hui en discussion:

  • la publicité commerciale implantée sur le domaine public et sur le domaine privé, visible du domaine public est interdite;
  • les procédés de réclame éclairés ou lumineux (type écrans) sont interdits;
    chaque commerce ou entreprise dispose d’un seul procédé de réclame pour compte propre (enseigne);
  • des emplacements sont mis à disposition du public pour l’affichage gratuit, appelé affichage libre, destiné à la diffusion d’idées ou de manifestations à caractère local;
    des emplacements sont réservés à l’affichage culturel et politique, notamment en faveur des musées de la région, des manifestations organisées par des groupements soutenus ou agréés par la Municipalité, des partis politiques et des comités d’initiative ou référendaires;
  • la gestion de l’affichage sur le domaine public est confiée à un service de l’administration communale.C’est sans aucun doute le point concernant l’interdiction de la publicité commerciale qui fera le plus débat, dès lors nous souhaitons déjà le nourrir avec quelques arguments.

La publicité commerciale est aujourd’hui omniprésente dans nos environnements et a su conquérir, depuis un certain nombre d’années, des territoires de plus en plus vastes pour capter nos attentions et nous pousser à consommer.

La pression publicitaire à laquelle nous sommes soumis·ses frôle aujourd’hui l’insupportable. En 2014, Farida Shaheed, rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels à l’ONU, s’inquiétait d’ailleurs dans un rapport de la présence disproportionnée de publicités et de marketing dans les espaces publics, de la quantité sidérante de messages publicitaires et promotionnels que nous recevons chaque jour (nous sommes en effet exposé·es à des milliers de stimuli commerciaux) ainsi que des techniques les plus variées, scientifiquement élaborées, pour nous amener à consommer, qui visent notamment à court-circuiter les modes rationnels de la prise de décision.

On constate d’ailleurs que ces préoccupations autour de la publicité sont présentes dans les discours politiques de divers bords. En témoignent les interventions fédérales, cantonales et communales autour, par exemple, de la publicité pour le crédit à la consommation; celles, dans certaines communes, demandant une nouvelle politique d’affichage urbain qui ferait disparaître les panneaux publicitaires de l’espace public (Nyon ou Fribourg); l’initiative communale «Genève Zéro Pub», qui vient d’aboutir; ou encore à l’étranger, à l’instar de la ville de Grenoble, par exemple, qui a banni les panneaux publicitaires en 2014.

Ajoutons encore que nos enfants sont des destinataires privilégiés des agences publicitaires. Dès trois ans déjà, ceux-ci sont capables de reconnaître des logos de marques, voire de les dessiner, et c’est aussi dès cet âge que les marques essaient de fidéliser leurs consommateur·rices. On dit entre autres qu’un enfant de six ans en milieu urbain pourrait identifier davantage de logos de marques que d’espèces végétales! Il est important de prendre au sérieux cette problématique. En 2014, un rapport de l’Office fédéral pour l’enfance et la jeunesse pointait du doigt ce problème, en indiquant notamment que ce jeune public ne disposait pas encore du recul nécessaire pour se protéger du matraquage des grandes marques. Ce rapport indiquait aussi qu’il était important de réserver des espaces sans publicité pour les enfants.

Repenser notre politique d’affichage en supprimant la publicité commerciale permettrait notamment de:

  • cesser de vendre – voire brader – les regards des passant·tes à des grands groupes commerciaux;
  • garantir une vraie liberté de réception aux veveysan·nes, comme il est possible de le faire en apposant un autocollant sur sa boîte aux lettres, en zappant lors de la publicité à la télévision ou en téléchargeant un logiciel sur internet;
  • ne plus imposer celle-ci à nos enfants, cibles privilégiées des agences publicitaires;
    libérer le tissu économique local et le commerce de proximité de la pression des grands groupes et s’inscrire ainsi dans une perspective de défense du commerce de proximité, pourvoyeurs de liens sociaux et de qualité de la vie;
  • cesser de soutenir des encouragements à une consommation et une croissance illimitées aux conséquences écologiques et sociales catastrophiques;
  • redécouvrir le paysage urbain en le libérant d’une pollution visuelle;
  • réinventer l’espace public, en mettant en valeur le tissu artistique, culturel et associatif local, ou encore, par exemple, en ramenant de la nature sur ces espaces libérés.

Projet de règlement