Nid, capsule et Guinguette

Vendredi 16 novembre, la version en ligne de 24 heures nous annonçait : «Inauguré en grande pompe derrière la gare de Vevey en 2016, l’année des 150 ans de Nestlé, le musée Nest change déjà de vocation. Le centre d’exposition ludique et interactif à 50 millions sera réaffecté en 2019, au terme de la Fête des Vignerons, pour devenir le siège mondial de Nespresso à l’horizon 2021». Le matin déjà, un communiqué de la Commune de Vevey annonçait l’arrivée de Nespresso, s’en félicitait, mais ne soufflait mot de la fermeture du Nest. Réflexions vagabondes sur la gouvernance des multinationales et l’impuissance consentie des pouvoirs publics.

Annonçons la couleur : on ne va pas pleurer sur la fermeture du Nest, officine de propagande de Nestlé. On a souvent dit que son existence prouvait à quel point les dirigeants de Nestlé étaient fortiches, parvenant à faire payer le bon peuple pour lui bourrer le mou. Finalement, le bon peuple n’a pas été dupe et s’est si bien tenu à l’écart que les dirigeants décidés à rendre Nestlé encore plus rentable ont fini par décréter que cet instrument de propagande était trop coûteux.

On peut rappeler au passage que la chaussée de la Guinguette, devant le Nest a été refaite par la Commune pour 1,4 million (collecteurs et contribution des privés compris) pour l’arrivée du Nest et à la gloire de Nestlé, avec notamment le prétendu wagon historique contemporain d’Henri Nestlé… construit en 1955. Mensonge symbolique du contenu du prétendu «musée».

On ricanera aussi la prochaine fois qu’on entendra la droite nous vanter les mérites de l’économie privée, tant cette affaire montre bien que jamais, au grand jamais, des privés n’iraient gaspiller 50 millions dans un projet foireux… Mais c’est aussi un avertissement, un rappel que les sociétés de ce type sont capables de décisions radicales et brutales, pour corriger un manque de rentabilité.

Côté autorités, il y a plus à pleurer qu’à rire.

On relèvera pour commencer l’étrange silence sur la fermeture du Nest, comme si la Commune n’avait même pas été jugée digne de recevoir cette information.

On se penchera sur la largeur de vue de la syndique qui nous affirme que «grâce aux travaux réalisés par Nestlé sur son site historique, c’est tout un quartier qui bénéficie d’un renouveau». C’est oublier qu’avant ce «renouveau», un quartier vivant et intéressant répondait parfaitement à des besoins qui n’ont aujourd’hui plus de lieux. Au-delà des fameuses et incroyables soirées à l’Espace Guinguette, il y avait des locaux pour accueillir des artistes, des artisans et des associations, un légendaire studio de musique mondialement connu, une école de danse, un studio de décorateur, des graphistes, des locaux de répétition pour les musiciens, un studio de photographe, une salle de tango argentin, des halles d’exposition… Ces espaces mis à disposition à petits prix ont permis à de nombreux acteurs culturels de développer leurs activités et de subvenir à leurs besoins sans subsides ou autres aides. Cette concentration de diversité riche en échanges vivait bien là, en parfaite harmonie, un peu à l’écart de l’hypercentre et sans conflits de voisinage. Il n’y avait alors pas besoin de millions pour dynamiser ce quartier…

On fera enfin le triste constat d’une impuissance béate : dans son communiqué, la Municipalité se «réjouit» de la décision «de déplacer le siège mondial de Nespresso de Lausanne à Vevey», et dans la presse, la syndique se dit même «heureuse» de «cette arrivée, qui va participer au rayonnement international de la Ville au même titre que le Festival Images ou la Fête des Vignerons». Côté Lausanne, ce n’est guère mieux : le syndic «Grégoire Junod, «se veut beau joueur face à sa collègue de Vevey». Bref, la multinationale joue son Monopoly, et les autorités commentent, ayant totalement accepté d’être hors- jeu. 580 emplois sont déplacés du Canton à Barcelone ; 350 de Lausanne à Vevey, c’est comme ça, on fait la grimace ou on sourit, comme face à la pluie ou au beau temps. L’idée d’un contact, d’un front commun entre autorités d’ici et d’ailleurs, même symbolique, ne les effleure même pas. Et tout ça est «de gauche» paraît-il.

Un seul bon point dans toute cette histoire : la présence du Nest posait de gros problèmes pour l’avenir de la place derrière la Gare, en particulier en ce qui concernait la circulation des cars. Un souci de moins. On se contente – parfois – de peu…