Place du Marché et parking souterrain

Le retour du débat

Le Conseil communal du 7 décembre devait fixer le plafond d'endettement [1] autorisé à la Municipalité pour la nouvelle législature (2006-2011). Cette discussion et ce vote ont fait revenir au premier plan la question du parking souterrain de la Place du Marché. Ce plafond d'endettement était en effet calculé sur la base du «Plan des investissements» communiqué le même soir par la Municipalité; le tableau récapitulatif de ce plan des investissements figurait d'ailleurs en annexe du préavis sur le plafond d'endettement. Or le parking souterrain y était mentionné en toutes lettres comme nécessitant un emprunt de 12 millions pour sa réalisation. La commission des finances a proposé au Conseil de communal de soustraire cette somme-là bien particulière des 150 millions demandés par la Municipalité, et de ne lui accorder que le montant arrondi de 135 millions. [2]. Le conseil communal, par 49 voix contre 35, l'a suivie.

Des motivations diverses, mais un message clair sur un point

Les motivations de ceux qui se sont révélés majoritaires, dans la Commission des finances comme au Conseil communal, sont diversement articulées. Pour certains, les motivations financières priment, pour d'autres – comme notre groupe et celui des Verts – c'est l'opposition à ce parking souterrain. Il est probable que pour beaucoup de membres du Conseil, ce soit un mélange en proportions diverses de ces deux éléments qui ait déterminé leur position. Il est même possible, comme l'ont mentionnés certains défenseurs de la position municipale (voir le compte rendu «journalistique» de la séance), que certains au sein des partis de droite aient derrière la tête l'idée de favoriser une réalisation privée du même parking, plutôt que publique, mais cela n'est en tout cas pas apparu ouvertement.

Ce qui est certain cependant, c'est qu'une majorité du Conseil communal a estimé que la réalisation de ce parking n'était pas prioritaire, qu'elle l'a clairement fait savoir à la Municipalité.

Une réaction municipale inadéquate

Malheureusement, entre le commentaire sur le site de la commune – «le cas du parking devra être apprécié en fonction de l'endettement effectif de la ville au moment où le projet pourrait se réaliser» (idem) – et les déclarations à la presse du syndic Ballif, considérant que la Municipalité n'a pas à tenir compte de cette décision du Conseil, la Municipalité ne semble pas vouloir comprendre ce message.

Distinguons:
Formellement, la décision d'abaisser le plafond d'endettement n'empêche pas la Municipalité de présenter un projet de parking souterrain, pour autant qu'elle contienne l'endettement en-dessous de ce plafond, que ce soit grâce à des recettes plus élevées que prévu ou en renonçant à d'autres objets mentionnés dans son plan d'investissements.
Politiquement, le message est pourtant clair, et dans la logique du développement durable et de l'agenda 21 chère à la nouvelle équipe municipale, qui insiste sur le concertation, il serait logique d'en tenir compte.
Pratiquement, le vote du 7 décembre indique que dans l'état actuel des choses, il ne peut y avoir de majorité – ou très difficilement – pour un parking sous la Grand-Place. Quelle que soit sa taille, qu'il soit une réalisation publique ou privée, il a de fortes chances de coaliser des oppositions qui seront majoritaires.

Politiquement et pratiquement, il serait donc sage pour la Municipalité de ne pas s'enferrer dans une voie sans issue. Cela est possible sans nier les décisions précédentes du Conseil communal, ni refuser à la population le droit de se prononcer sur un objet aussi important, on le verra en conclusion.

Une question mal posée

L'opposition d'Alternatives – et de nos précédents avatars [3] – au parking souterrain sous la Place du Marché n'est ni «dogmatique» ni «idéologique» comme on nous le reproche parfois. Depuis le début de cette discussion, nous sommes en fait persuadés que la question est mal posée, car elle ne se préoccupe pas au départ de la ville dans son ensemble et de son fonctionnement.

Si l'on se persuade que la qualité de vie au Centre-Ville est satisfaisante, que les rues aux alentours de la Place du Marché sont accueillantes et agréables à vivre, on peut avoir une logique simpliste: il faut débarasser la Place du marché des voitures qui l'encombrent et pour cela il suffit de remplacer le parking sur la place par un parking sous la place. C'est semble-t-il le sommet de la réflexion urbanistique atteint par la Municipalité et en particulier par ses membres socialistes. Pour faire quoi de cette place ? Pas de vraie réponse, pas de projet d'utilisation et d'animation. L'argument, la plupart du temps se fait tautologique: je veux débarasser ces voitures parce que je ne veux plus les voir…

Si, par contre, on examine un peu le Centre-Ville dans son ensemble, on constate que les personnes qui habitent le long de l'axe Simplon-Italie gagneraient à une diminution et à une modération de la circulation, et que ce serait aussi une façon de contribuer à la revitalisation de Vevey-Est; que les rues de Lausanne et Cérésole pourraient être plus accueillantes, de même que celles de l'Hôtel-de-Ville et du Centre; que le maintien de la circulation de transit sur le dernier tronçon du Quai Perdonnet est une aberration si l'on considère l'espace de vie qu'est devenu tout le reste de ce quai; qu'enfin, le nouveau plan de circulation, non encore en vigueur et lié aux besoins de transit vers l'est à la sortie du futur parking, ne ferait que déplacer les nuisances actuelles, puisqu'il prévoit la remise en circulation, en sens inverse de l'actuel, du quai Perdonnet jusqu'à la rue du Léman – y compris devant le musée de l'Alimentarium – en utilisant ladite rue du Léman comme raccordement sur la rue d'Italie (!), en compensation de la fermeture des rues du Centre et de l'Hôtel de Ville.

Couronnant des années de réflexions et de tergiversations, d'inversion de sens de circulation et de fermeture plus ou moins partielle du quai Perdonnet, ce plan dernier-né confirme que l'amélioration de la qualité de vie dans le Centre-Ville – et même un plan des circulation simplement raisonnable – est un casse-tête dès lors qu'on maintient la nécessité que des flux de voitures importants accèdent à la Place du Marché… et en repartent.

Nous en tirons deux conclusions:
- il vaut la peine de se demander s'il n'est pas possible de diriger ces flux ailleurs (recherche d'une localisation alternative pour un parking);
- il faut éviter de construire un parking souterrain sous la Place du Marché, car cela «bétonnerait» durablement la situation actuelle et empêcherait toute évolution future.

Le nombre limité de places du parking souterrain prévu actuellement (280 plus une septantaine maintenues en surface) ne doit pas faire illusion. Il constitue déjà un argument contre la proposition municipale («Comment faire accepter par la population d'investir entre 14 et 20  millions pour supprimer une centaine de places de parc ?», voir l'intervention de Vevey-libre lors du Conseil communal du 7 décembre [4]), qui peut aussi bien déboucher sur le renoncement à ce parking, que sur un projet plus largement dimensionné. La Société industrielle et commerciale (SIC) plaidait d'ailleurs en 2001 pour ne pas descendre en-dessous de 400 places en souterrain, et des chiffres jusqu'à 600 ont été articulés. Les coûts de construction qui semblent plus élevés que ce qui était attendu peuvent pousser un (éventuel) projet final dans le même sens, dans le but d'atteindre la rentabilité. Enfin, la nature n'étant pas seule à «avoir horreur du vide», on peut parier qu'en l'absence d'un projet d'aménagement convaincant et surtout d'un concept d'animation de la place, cette grande surface «inutile» serait peu à peu recolonisée, à coup de 10 places par ci, 15 par là, pour aboutir à un total largement supérieur à l'état actuel, même avec un parking souterrain limité à 280 places.

Deux réflexions moins circonstancielles et plus «fondamentalistes» s'ajoutent à cela.
- D'une part, en l'état actuel de la législation, le seul levier qu'ont les pouvoirs publics locaux sur les circulations privées, et donc sur leurs conséquences en termes de consommation d'énergie et de pollution, se situe au moment où les véhicules doivent stationner. On ne peut prêcher à longueur de programme de législature le développement durable, et céder à la première occasion à la «vérité» que les commerçants croient révélée que leurs affaires dépendent directement du nombre de voitures stationnées à proximité de leur échoppe. Il vaudrait la peine au moins de se pencher sur d'autres possibilités de favoriser la vie commerciale de la ville.
- D'autre part, la crise de l'énergie, et en particulier celle du pétrole ne laisse pas prévoir un avenir fait de la reproduction amplifiée (plus de tout !) du présent. Bien au contraire. Des tournants douloureux devront être pris. Notamment, l'ère des transports faciles et de l'automobile reine touche peut-être à sa fin. Un parking souterrain a ainsi des chances non-négligeables d'être dans un futur pas si lontain la cathédrale inutile d'un culte oublié. Epargnons-nous le ridicule d'être ses constructeurs…

La position de Vevey-libre

L'insistance de la nouvelle Municipalité sur le développement durable, au-delà de l'effet de mode, est un signe que les opinions évoluent, de même que l'émergence, lors des dernières élections, des Verts et de Vevey-libre. La décision de 2001, favorable à un crédit d'études pour la réalisation d'un parking souterrain à la Place du Marché, ne serait aujourd'hui probablement plus prise dans les mêmes termes [5].

En témoigne la position de Vevey libre concernant la Place du Marché [6], qu'on peut résumer ainsi: pas de parking souterrain; légère diminution du nombre de places en surface, au profit des terrasses des restaurants et cafés et d'un aménagement attractif du sud de la place; compensation des places ainsi «perdues» par la création de places de parc au nord des voies CFF et à l'est de la ville (où a surgi opportunément un projet de parking souterrain automatique).

Cette proposition ne répond pas à toutes les préoccupations exprimées plus haut. En particulier, elle ne soulage que marginalement les voies d'accès à la Place du Marché de la pression automobile. Elle a cependant le grand avantage de ne pas bloquer la situation et de laisser l'avenir ouvert. Elle pourrait avantageusement être complétée par des propositions d'aménagement déjà formulées, telle qu'une rangée supplémentaire d'arbres ajoutée aux mails en place.

Elle n'exclut en outre pas d'autres démarches: le recensement des places de parc disponibles, notamment dans les parkings d'immeubles parfois sous-utilisés, ainsi qu'une remise sur le métier de la négociation avec les directions des centres commerciaux en vue de l'accessibilité de leur parking hors des heures d'ouverture commerciale (ce que le municipal Rota avait annoncé comme probable le 28 juin 2001 !) permettraient de contribuer à réduire la pénurie, si tant est qu'elle existe, de places pour les résidents.

Enfin, les autorités communales devraient étudier, en collaboration avec les commerçants associés, des mesures susceptible de faciliter la tâche aux clients sans voiture par des systèmes de livraison à domicile et/ou de transfert des achats aux parkings, existants ou à construire (sur le modèle Riponnexpress, Lausanne).

Tenir compte de la décision du 7 décembre 2006 et consulter la population

Lors du débat du 7 décembre sur le plafond des investissements, certains des membres de la Municipalité ou de ses défenseurs nous ont accusés (voir à nouveau le compte rendu «journalistique» de cette séance) d'avoir l'intention de forcer la Municipalité à ne pas respecter le vote du Conseil communal de 2001 (vote en faveur d'un crédit d'études pour ledit parking), et de l'empêcher de consulter la population [7]. C'est, heureusement, faux:

- La décision prise par le Conseil communal le 28 juin 2001 [8] est «d'accorder à la Municipalité un crédit de fr. 880'000.-- pour financer les études de réalisation d’un parking souterrain à la Grande Place». Même si le préavis énumère les différents postes qui aboutissent à ce total de 880'000.–, rien n'impose à la Municipalité de dépenser la totalité de cette somme et de procéder à toutes les études énumérées dans le préavis avant de rendre sa copie au Conseil.

- Rien ne l'empêche par ailleurs, dans les limites de ses compétences (50'000.–) de lancer de son propre chef des études complémentaires, ou si nécessaire de demander au Conseil communal un crédit pour le faire. Ces études pourraient enfin se pencher globalement sur le problème du parcage en ville de Vevey, sous ses diverses dimensions (habitants, pendulaires travaillant à Vevey, clients des commerces) et avancer des critères pour les dimensions et les localisations souhaitables. Elles devraient également fournir à la Municipalité, au Conseil communal, et en fin de compte à la population, des éléments d'appréciation sur les diverses propositions en discussion, dont celle de Vevey-libre.

- En ce qui concerne la consultation de la population, nous en sommes, comme il se doit, partisans. Mais nous ne ne pensons pas qu'il soit possible de détenir, sur un objet aussi complexe et important, LA solution qui s'impose, indiscutablement. Même un siège de municipal, voir de syndic, ne confère pas une telle omniscience. Il y a, à coup sûr, plusieurs solutions possibles au problème du stationnement en ville de Vevey, chacune avec ses avantages, ses inconvénients, et ses coûts, répondant à des critères différents. Un vrai processus démocratique, ce n'est pas de présenter aux citoyens une seule proposition, à prendre ou à laisser, de leur demander «voulez-vous une belle place du Marché avec un parking dessous», en les abreuvant d'images 3D en couleur, «témoignant» comme il se doit de la future grande animation et du bonheur assuré.

- Un vrai processus démocratique, ce serait d'organiser tout d'abord une information large (exposition notamment, comme lors d'un premier projet d'aménagement de surface en 1992), présentant clairement diverses solutions issues des études mentionnées ci-dessus, puis un vote qui serait alors un choix averti et informé entre divers avenirs possibles pour la ville de Vevey.

Alain Gonthier


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1. Niveau maximum que ne doit jamais dépasser durant toute la législature le total des emprunts contractés par la Commune, y compris 12 millions en lignes de crédits bancaires (possibilité de crédits à court terme servant à compenser les fluctuations du niveau de la caisse communale). Cette décision doit recevoir l'approbation du Conseil d'Etat; elle peut être remise en cause par une nouvelle décision du Conseil communal, mais doit alors à nouveau être soumise à l'autorité cantonale.

2. Il faut souligner que le plan des investissements est une prévision à relativement long terme, dont les chiffres sont plus des ordres de grandeur que des prévisions précises, surtout quand on considère des opérations complexes comme la rénovation des tours de Gilamont ou le creusement d'un parking qui n'en sont pas au stade de l'étude de détail; de même en ce qui concerne les recettes, qui peuvent varier avec une population en croissance, une conjoncture économique variable et des décisions cantonales de report de charges par définition encore inconnues. C'est ce qui explique que 150 millions - 12 millions peut donner dans ce cas 135 millions.

3. En ce qui concerne notre histoire, voir «Des Verts solidaires à Alternatives en passant par solidaritéS et le MPS, qui sommes-nous ?». En ce qui concerne les positions développées au fil du temps, avec d'inévitables redites, voir Un parking ? Quel parking ? Motion du groupe solidaritéS (3 février 2000), nos interventions dans le débat de juin 2001 [5], le programme électoral solidaritéS et solidaires (octobre 2001) et le programme électoral Alternatives (février 2006).

4. Voir sur le site de Vevey-libre l'intervention de Francis Beaud sous le titre «Plafond d’endettement et parking sous la Place du Marché» (deuxième titre de la page internet)

5. Voir les extraits du procès verbal de la séance du jeudi 28 juin 2001 (adoption du crédit d'étude pour la réalisation d’un parking souterrain à la Grande Place, préavis 2/01).

6. Voir en ce qui concerne leur projet alternatif, sur le site de Vevey-libre le «Mot du Municipal» du 6 novembre et deux textes sous le chapeau «La Grand place» («Qu’entreprendre sur la Place du Marché en 1re urgence ?» du 11 décembre et l'intervention déjà citée de F. Beaud du 11 décembre) ainsi que le «billet politique» de Francis Baud dans Le Régional du 22 décembre 2006

7. Les citoyen·ne·s ne peuvent se prononcer, par référendum, que sur une décision du Conseil communal. S'il n'y a pas de décision – que ce soit parce que la Municipalité renonce à présenter un préavis au Conseil communal ou parce que celui-ci refuse d'entrer en matière (refuse de se prononcer) – les citoyen·ne·s ne peuvent donner leur avis sur cette non-décision. Il leur reste toutefois un moyen, l'initiative communale, par laquelle ils pourraient faire une proposition qui serait soumise au vote.

8. Voir ces conclusions dans les extraits du procès verbal de la séance du jeudi 28 juin 2001

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