2004: le débat sur la sécurité à Vevey
De l'urgente gesticulation à des mesures raisonnables, mais retardées par l'attitude de la Municipalité

Entre août et novembre 2003, quatre femmes avaient été victimes d'agressions à Vevey. Le 9 février 2004, un suspect est arrêté. Le lundi 8 mars, une bagarre se conclut par un meurtre en pleine rue, à deux pas du poste de police. L'émotion est considérable. Elle s'exprime par deux manifestations d'hommage et contre la violence, le jeudi 11 mars, de la Gare au lieu du drame, et le dimanche 14 mars, sans aucun incident.

Le besoin de prendre des mesures pour éviter que de tels faits se reproduisent s'exprime fortement. Mais lesquelles ? Avec quelle efficacité ? Un débat politique d'une ampleur inusitée démarre, dans la presse et au Conseil communal, où il durera jusqu'à la fin de l'année. Nous y défendons les principes suivants (la forme est celle d'une lettre de lecteur parue le 31 mars 2004 dans La Presse):
«Est-ce honnête de tenter de présenter à une population inquiète une panacée de charlatan comme un vrai remède ? Quelques uniformes de plus pourraient rassurer certaines personnes inquiètes, et augmenter ainsi leur sentiment de sécurité; mais ils n’auraient empêché aucun des récents drames, et n’apporteraient donc rien en matière de sécurité réelle.
Est-ce honnête de prétendre lutter contre les incivilités attribuées aux jeunes alors que la majorité politique à laquelle on appartient restreint les budgets alloués aux institutions pour jeunes en difficulté et somme l’école de s’en occuper sans lui en donner les moyens ? ou de prétendre rassurer la population alors qu’on l’angoisse quant à son avenir, en particulier en ce qui concerne sa retraite ?
Est-ce honnête de glorifier la combativité, l’esprit de conquête, la lutte de chacun contre tous qu’implique le système économique en place, et de s’étonner ensuite que certains l’appliquent dans la vie de tous les jours ?
Est-ce enfin honnête d’isoler un aspect de la sécurité et de refuser de voir que, comme l’a affirmé à la TV le commandant de la police cantonale, « la pire des menaces, ce sont le chômage et la pauvreté qui conditionnent des gens qui n’ont pas de futur» et sont prêts à toutes les dérives ?
Violences et incivilités témoignent d’une société malade. Il faut en changer, pour assurer, par exemple, à chacune et à chacun sécurité de l’emploi et de la retraite. Et dans l’immédiat, il faut  rejeter les potions charlatanesques (police privée) comme les palliatifs à court terme (plus de police officielle) qui ne traitent, au mieux, que les symptômes, au profit d’une action éducative et sociale à long terme. »

La Municipalité ne s'y montre pas à son avantage: depuis la proposition du syndic, hâtive mais certainement calculée, de faire appel à une police privée, jusqu'à des mesures raisonnables mises au budget 2005, ce sont 9 mois qui s'écoulent et plusieurs changements de position. Historique en 5 étapes.

1) Conseil communal (CC) du 11 mars (2/2004): discours du syndic. Sans aucune concertation d'aucune sorte, dans un discours "sarkoziste" avant la lettre, il lance l'idée de faire appel «à une entreprise spécialisée» pour surveiller les quartiers et s'attaquer à la chienlit, en contournant les contraintes de la régionalisation et des relations avec le canton dans le cadre de "Police 2000". Vive réactions, immédiates, de notre groupe. Dans les jours qui suivent, échange de lettres de lecteurs, communiqué du Parti socialiste et rupture de collégialité de ses municipaux (18 mars). Perplexité aussi des autorités policières cantonales face à cette proposition.

2) CC du 22 avril 2004 (3/004): dépôt et discussion en urgence d'un préavis 9/2004 «crédit complémentaire», discuté par la seule commission des finances, pour l'engagement de 9 gardes municipaux supplémentaires, d'un éducateur de proximité de plus et diverses mesures d'insertion pour des jeunes en difficulté. Rapport de minorité, signé V. D'Angelo (du temps où il était à gauche et pas d'accord avec D. Rigot) et J.-P. Boillat. Le Conseil communal refuse d'entrer en matière et renvoie ainsi le projet à la Municipalité pour qu'elle le soumette à une commission selon la procédure standard (voir, sur le site de la commune PV 3/2004). Dépôt d'une motion «Mesure d’urgence pour une action durable Ou: La réflexion est la première des actions», signée par: Christophe Jobin;  Christiane Oguey; Jean-Pierre Boillat; Vladimir d’Angelo (du temps…); Alain Gonthier; Jean-Marie Racine.

3) CC du 2 septembre 2004 (6/2004): En réponse à la motion mentionnée ci-dessus, un nouveau préavis 19/2004 (pdf sur le site de la commune), a été déposé à la séance du 24 juin (5/2004), soit 2 mois après. Le degré d'urgence ne semble plus le même… Il reprend pour l'essentiel les propositions faites en avril dans le préavis 9/2004. La commission qui l'étudie n'est pas convaincue, dans sa majorité, par le volet "répressif" des mesures proposées par la Municipalité, mais plébiscite par contre les mesures d'insertion. Devant le risque que son oeuvre soit "dénaturée", la majorité de la Municipalité retire son projet. Le Conseil communal, et tout particulièrement les membres de la commission qui ont travaillé sérieusement et beaucoup consulté les divers milieux concernés, se sentent floués. Les réactions, impuissantes face au réglement du Conseil, sont vives, et le climat se pourrit d'un cran. La décision de la Municipalité reporte encore l'action, pourtant déclarée urgente dans le discours du syndic 6 mois auparavant. La séance se termine de façon confuse, et une dernière proposition faite par le groupe "Vevey libre" de revenir malgré tout sur le contenu des propositions de la commission ne peut être votée par manque de conseillers (quorum plus atteint).

4) CC du 30 septembre: le groupe Vevey libre revient à la charge avec une motion reprenant les conclusions de la commission. Transformée après débat en résolution (décision de principe, symbolique, non contraignante pour la Municipalité) elle est «acceptée par le Conseil communal à la majorité (quelques avis contraires et cinq abstentions), selon le texte ci-dessous:
Le Conseil communal décide
1. De demander à la Municipalité d’inscrire au budget 2005 les montants nécessaires:
    1) à l’engagement d’un(e) éducateur(trice) de proximité
    2) à l’engagement d’un(e) travailleur(euse) social(e) pour l’encadrement des stagiaires
    3) au renforcement en personnel du projet «Gingko»
    4) au soutien du projet d’encadrement spécialisé à la «Villa St-Martin»
2. De demander à la Municipalité d’entreprendre toutes les démarches nécessaires pour procéder à ces engagements
3. De donner mandat à la Municipalité de négocier avec les communes engagées dans Police Riviera une augmentation de l’effectif policier
4. Subsidiairement, de négocier une augmentation de la présence policière sur le territoire veveysan au travers d’une augmentation de l’effectif moyennant une participation financière» (PV 7/2004).

5) CC du 2 décembre: les points mentionnés dans la résolution ci-dessus sont pour l'essentiel intégrés au budget 2005, approuvé par le Conseil communal. Le problème qui se pose dès lors est celui de l'engagement effectif du personnel corrrespondant, en particulier en ce qui concerne les policiers, dont il y a pénurie. Et la procédure budgétaire élude le débat de fond sur ce qu'est la sécurité et comment l'atteindre, que le préavis sur la sécurité aurait permis d'avoir. Mais ne boudons pas: au terme de 9 mois, la Conseil communal à réussi à faire accoucher la Municipalité d'une décision raisonnable, ce n'est déjà pas mal…

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