Premier tour. Quelques commentaires chiffrés

Les résultats du premier tour des élections communales méritent quelques commentaires complémentaires à ceux de notre prise de position. Un certain nombre d'éléments, dont les «explictions techniques», sont repris tels quels de notre article homologue de 2006.

Municipalité

Bulletins de parti:
Premier niveau, les rapports de force entre les «noyaux durs» des partis, mesurés au meilleur score – quand il y avait plusieurs candidats – réalisé sur les seuls bulletins, compacts et modifiés, de chacun des partis: 841 voix pour le PS, 513 pour le PLR, 299 pour l'UDC, 277 pour Vevey Libre, 237 pour les Verts, 194 pour Yvan Luccarini, 162 pour le PDC, et 57 pour Michel Berney. Pour le 2e tour, il y a à droite une alliance formelle – en tout cas proclamée par le PLR; son noyau dur potentiel est d'un peu moins de 1000 suffrages (513 + 299 + 162), soit plus que le PS tout seul, pour autant évidemment que les électeurs PDC et UDC suivent docilement les consignes. En face, une alliance de facto devrait se faire sans problème entre PS et Verts, sur le modèle standard à l'échelle cantonale et nationale, et son potentiel est déjà de près de 1100 suffrages. A cela peuvent s'ajouter les partisans de Vevey Libre, sur la base d'une importante convergence des propositions faites durant la campagne électorale ainsi que d'une collaboration peu problématique durant la législature finissante, ce qui porte le potentiel des partis hors PLR à quelque 1350 suffrages (en terme, rappelons-le, des bulletins de partis). Quant à Yvan Luccarini, quelque 200 personnes ont voté pour lui en prenant un bulletin à son nom. C'est assez évidemment le candidat au deuxième tour qui a la base la plus restreinte.

Bulletins sans dénomination de liste:
Mais plus de 40% des suffrages exprimés pour l'élection à la Municipalité le sont sur des bulletins sans dénomination de liste (ce qui est raisonnable, puisque le fait d'utiliser une liste de parti n'a aucune incidence sur le résultat final). Ces électeurs sont les plus zélés à constituer une Municipalité complète sur leur bulletin, puisqu'ils arrivent à une moyenne de 4,42 candidats par liste. «Leur» municipalité serait constituée de Laurent Ballif (595 voix), Elina Leimgruber (547), Marcel Martin (518), Jérôme Christen (504) et Annick Vuarnoz (398).Viendraient ensuite Michel Berney (395), Yvan Luccarini (297), Etienne Rivier (293)…

Bulletins modifiés:
Logiquement, les candidats uniques (Elina Leimgruber, Michel Berney, Yvan Luccarini et Werner Riesen) ne sont pas biffé·e·s sur leur propre liste. Les électrices et électeurs qui prennent ces bulletins et les modifient ajoutent des candidats à celui qui est imprimé: sur les listes modifiées, les électeurs de Point de départ-Yvan Luccarini et de Michel Berney ajoutent plus de 3 noms en moyenne (vote resp. pour 4,25 et pour 4,17 candidats); ceux des Verts ajoutent 3 noms (4 candidats, toujours en moyenne); et ceux de l'UDC, 2,44 (3,44 candidat·e·s). Dès qu'il y a plus d'un candidat, la marge pour ajouter d'autres noms se réduit évidememnt (M. de La Palice l'aurait dit !), mais les électeurs du PS ajoutent encore 1.12 noms au trois imprimés (4,12 noms en moyenne) et ceux de Vevey Libre, 1,41 (3,41 noms en moyenne). Ceux du PLR écrivent en moyenne moins de 4 noms sur leurs bulletins (3,71, ajout de 0,71), et ceux du PDC 2 noms et demi (2,49, ajout de 0,49). En ce qui concerne les partis présentant plusieurs candidat·e·s, on peut voir dans ces ajouts un indice de la confiance des électeurs du parti, ne pensant pas mettre en danger leurs candidats en ajoutant d'autres noms. Cette confiance serait ainsi élevée au PS et basse au PDC.

De plus, plusieurs candidatures ouvrent la possibilité d'en privilégier l'un·e ou l'autre, en fonction de préférences de tous ordres, mais surtout, en fonction de la confiance que l'électeur a dans la possibilité que tous les candidat·e·s proposé·e·s par le parti qu'il préfère soient élu·e·s: c'est ainsi que le PS connaît sur ses bulletins modifiés un taux de biffage de l'un·e ou l'autre candidat·e de 11%[1], Vevey Libre un taux de 15%, le PLR de 17% et le PDC de 31%. Ces éléments parlent donc dans le même sens que les ajouts: la confiance était haute au PS et plus basse dans les autres partis (dans l'ordre Vevey Libre, PLR et PDC). Pour le second tour, la confiance devrait continuer de règner au PS; dans le cas de Vevey Libre et du PLR, le retrait d'un candidat devrait l'augmenter. Mais pour le PLR l'objectif de passer 2 candidats peut continuer à sembler trop ambitieux, et pousser ses électeurs à faire des choix… en biffant l'un des deux.

Si, pour tenter de mieux mesurer le «rayonnement» des divers candidats hors de leur parti, on ajoute aux suffrages issus des bulletins sans nom de liste ceux récoltés sur les bulletins modifiés d'autres partis, la Municipalité virtuelle ainsi dessinée n'est pas très différente de celle des seuls votants sans dénomination de liste, si ce n'est le passage en tête d'Elina Leimgruber et le remplacement à la cinquième place d'Annick Vuarnoz par Michel Berney: Elina Leimgruber (719 voix), Laurent Ballif (694), Jérôme Christen (641), Marcel Martin (605) Michel Berney (506). Viendraient ensuite Annick Vuarnoz (453), Yvan Luccarini (398), Etienne Rivier (330), Pierre Clément (246), Jacques Decosterd (216), Werner Riesen (214), Vladimir D'Angelo (153) et Stephan Baudin (91).

Une comparaison avec 2006 est délicate car la situation à droite est très différente.[2] On peut cependant relever quelques éléments:
- en terme de «noyau dur» (bulletins de parti), les totaux gauche, VL et droite au premier tour sont comparables entre les deux élections (resp. 1119 en 2006 et 1100 en 2011; 277 et 286; 1050 et 997).
- en 2006, d'un tour à l'autre, les candidats socialistes avaient gagné 620 à 670 suffrages (de 1300-1500 à 2000-2100), dont 240 sur les bulletins compacts (socialistes), 170-180 sur des bulletins socialistes modifiés, quelque 15 chez Vevey Libre et 220-290 sur des bulletins sans dénomination de liste.
- dans le même temps, Jérôme Christen avait gagné 617 suffrages (de 931 à 1548), dont 106 sur les bulletins de Vevey Libre (100 sur les compacts et 6 sur les modifiés), 226 sur des bulletins socialistes modifiés, et 281 sur les bulletins sans dénomination de liste.
- Madeleine Burnier et Pierre Ducraux, (Parti libéral), qui apparaissaient – la première en particulier – comme «polarisant» moins que ceux de la «Nouvelle droite» PLR-UDC [2] avaient gagné quelque 355 suffrages (de resp. 942 et 887 à 1296 et 1242), dont 70 sur les bulletins compacts, 200 sur les bulletins sans dénomination de liste, mais aussi respectivement 98 et 56 sur des bulletins PS modifiés, dans ce que l'on pourrait appeler un «réflexe légitimiste» en faveur des sortants.

Conclusions:
Partant sur sur un socle potentiel (bulletins de parti) supérieur de quelque 350 voix à celui des droites rassemblées et faisant de meilleurs scores sur les listes sans dénomination, le camp «municipalité sortante + Verts» a toutes les cartes en main pour l'emporter face au PLR, selon un scénario analogue à celui de 2006. La seule condition… c'est que ce camp se constitue, et que les pragmatiques à vocation «gouvernementale» s'avouent les uns aux autres une coalition de fait, et fassent partager cette idée à leurs électeurs et électrices. Au vu du débat organisé par «citoyenne TV», cela semble en route.

Quant aux moins pragmatiques, dont nous sommes, qui veulent affirmer, y compris à ce second tour, que ce système mène l'humanité dans le mur, et qu'un changement radical est urgent, la marge «réaliste» existe pour le faire: Yvan Luccarini peut maintenir son score du premier tour, voire l'améliorer, sans pour autant être la cause de l'échec d'Elina Leimgruber ou de Jérôme Christen.

Reste la question de la participation. L'utopie voudrait une hausse du taux de participation, et qu'elle profite à Yvan Luccarini, comme il se souhaite. L'expérience et le réalisme, malheureusement, chuchottent qu'il y a peu de chance que cela se réalise.

Conseil communal

Le premier constat à faire est celui d'une très grande stabilité d'ensemble: en effet, en 2006, la gauche faisait 46,6% des suffrages et progresse de 0,8% à 47,4%; Vevey Libre faisait 12,7%, et monte à 13,4%; et la droite ensemble faisait 40.7% et perd 1,5% à 39,2%. La progression en sièges de la gauche est pour une bonne partie due à l'absence en 2011 du POP, qui en 2006 n'avait pas atteint le quorum avec 3,2%. Au sein des «blocs», Alternatives recule de 0,7%, le PS de 1%, et ce sont Les Verts, conformément aux tendances nationales, qui avec une progression de 5,8% récupèrent ces reculs, plus le score du POP et permettent l'avance de 0,8% (0,7% + 1% + 3,2% + 0,8). A droite, l'UDC, sans surprise malheureusement, progresse de 3,3%, et récupère partiellement le recul du PDC (-0,8%) et celui du PLR par rapport à au total libéral-radical de 2006 (– 4%). La fusion a peut-être dopé les adhérants, mais pas l'électorat !

Dans l'élection au Conseil communal, l'entête de la liste a une réelle importance, puisqu'elle attribue au parti choisi les suffrages non nominaux (100 suffrages par liste, les candidats portés sur la liste sont les suffrages nominaux, les autres les suffrages de liste). De plus le nombre de candidats favorise l'utilisation des listes imprimées, à la différence de l'élection à la Municipalité. Ce qui permet d'utiliser plus intensément les données sur l'origine des suffrages des partis.

A partir du tableau «suffrages par parti et par candidat, selon leur origine» (accessible sur le site du canton), regroupements et calculs de pourcentages produisent des tableaux à double entrée permettant de mettre en évidence combien chaque parti «donne» et «reçoit»[3] de suffrages des autres (téléchargeables au format pdf pour les amateurs).

Le premier constat est l'importance des suffrages obtenus par chaque parti sur ses propres listes (compactes et modifiées): de 89,5% à 98%. C'est encore plus vrai au sein des blocs: l'apparentement de gauche récolte 95,6% de ses suffrages sur ses propres listes, Vevey-Libre 90,9% et le «bloc» de droite, reconstitué pour le 2e tour de l'élection à la Municipalité, 98,3%. [4]

Pour aller au-delà, on retire les suffrages obtenus par chaque parti sur ses propres listes, pour ne s'intéresser qu'au geste des électeurs qui ajoutent des candidats d'autres partis sur la liste choisie. La prudence recommande d'être conscient du fait que cette démarche élimine, on vient de le voir, plus de 90% des suffrages exprimés ! [5] Il n'est cependant pas déraisonnable de considérer que la démarche de l'électeur partisan qui modifie sa liste préférée est indicative de l'attitude moyenne des électeurs de ce parti, de leur rejet ou de leur sympathie pour d'autres partis. [6]

• Alternatives «donne»[3] 46,8% au PS et 30,8% aux Verts, ce qui semble logique, puis 19,6% à Vevey-Libre, ce qui a aussi sa logique; 77,6% aux partis de l'apparentement de gauche, contre 2,8% aux partis de droite.
• Le PS donne d'abord à VL (27.7%) puis aux Verts (28,4%), à Alternatives (21,1%); suivent les radicaux (13,3%).
• Les Verts donnent 50% au PS, 23,2% à Alternatives, 73,2% aux partis de l'apparentement de gauche, et 18,2% à VL.
• L'apparentement de gauche donne 64,6% de ses suffrages nominaux aux autres partis de l'apparentement, 22.4% à VL et 13% à droite.

• Vevey-Libre donne d'abord au PS (34,7%), puis au PLR (20,4%), aux Verts (19,5%) et à Alternatives (12,2%); 66,5% à gauche contre 33,5% à droite. Centre, ou centre-gauche ?

• Le PDC donne d'abord au PLR (31,1%) puis au PS (26,9%), et à VL (19,2%), et très peu à l'UDC (4.9%). Parti de droite, mais l'électorat semble l'être un peu moins…
• Le PLR donne d'abord au PS (24,9%), à VL (23,6%), à l'UDC (18,6%) et au PDC (16%).
• L'UDC donne au PLR (46%), à VL (17,9%), puis au PS (13,3%) et au PDC 10,6%.
• Les partis de droite donnent 44% de leurs suffrages nominaux aux autres partis de droite, 20,5% à VL et 35,5% à l'apparentement de gauche.

Le tableau inverse ne dément pas ce qui précède, Sans développer, on notera:
• que l'apparentement de gauche reçoit 69,96% de la gauche, et presque également de VL (15,91%) et des partis de droite (14,71%);
• que pour Vevey libre 73,9% des suffrages nominaux provenant d'autres partis viennent de ceux de l'apparentement de gauche (dont 37,2% du PS), contre 26.09% des partis de droite;
• que PDC, PLR et UDC reçoivent respectivement 39,06%, 35,94% et 21,4% des partis de l'apparentement de gauche, contre, respectivement toujours, 42,28%, 43,1% et 60,17% des autres partis de droite.

Conclusions
Avec toute la prudence nécessaire, on peut souliogner que les divisions dans l'électorat – du moins la partie de l'électorat qui ne vote pas compact – sont moins tranchées qu'entre les partis, et que l'électorat de Vevey Libre a de fortes connivences avec celui de «gauche», sans pour autant être complétement coupé des électeurs PLR. En ce qui concerne le 2e tour de l'élection à la Municipalité, ces constats basés sur le vote pour le Conseil communal ne contredisent en tout cas pas ceux tirés ci-dessus du premier tour de l'élection à la Municipalité.

1. PS: 579 suffrages récoltés pour ses 3 candidat·e·s sur 218 bulletins modifiés qui, s'ils n'avaient connus que des ajouts et pas de biffages, lui auraient rapporté 654 suffrages; Vevey Libre: 120 suffrages sur 71 bulletins potentiellement porteursde 2 suffrages, soit 142 suffrages; PLR: 330 suffrages sur 133 bulletins soit 399 suffrages; PDC 68 suffrages sur 49 bulletins soit 98 suffrages.

2. ll faut se souvenir que la droite, apparentée du PDC à l'UDC pour l'élection du Conseil communal, était alors partie au premier tour de l'élection de la Municipalité avec 4 listes et 8 candidats (1 pdc, 3 rad., 2 lib., 2 UDC) et avait subi un échec cinglant: 4 socialistes en tête, suivis de Madeleine Burnier (lib), Jérôme Christen (VL), et Pierre Ducraux (lib); les radicaux, dont le syndic sortant Rigot, relégués aux places 9, 10 et 13, derrière le candidat d'Alternatives. Les rancoeurs issues de «l'affaire Rigot» avaient empêché un accord pour le 2e tour, et s'y présentaient 2 listes de droite, l'une libérale uniquement avec ses deux municipaux sortants, et l'autre radicale-UDC sous le label «Nouvelle droite» avec 4 candidat·e·s (!). Le second tour avait confirmé le premier, le PS retirant un candidat et en plaçant trois en tête, suivis de Jérôme Christen et Madeleine Burnier, soit la Municipalité esquissée par le premier tour (moins 1 socialiste). En 2011, la fusion libérale-radicale est passée par là, et l'erreur n'a pas été fait à nouveau de partir à 3 voire à 4 pour le second tour.

3. C'est un raccourci: il faudrait pour être exact écrire à chaque fois: «combien de suffrages les électeurs utilisant un bulletin de parti donnent de suffrages aux divers partis, et combien de suffrages chacun des partis reçoit de suffrages de la part d'électeurs votant sur une liste de parti». On s'en abstiendra, en gardant en tête qu'il s'agit d'une simplification. On se passera même des guillemets.

4. Voir «Division bénie»

5. Les électeurs qui votent compact et ceux qui utilisent des listes sans dénomination ne sont pas pris en compte.

6. Il faut cependant être conscient d'un biais: ce qu'un parti donne à l'ensemble dont il fait partie (ou ce qu'il en reçoit) est diminué de ce qu'il se donne à lui-même (ou reçoit de lui-même) par ses propres bulletins (qui n'apparaissent pas ici). Ces valeurs apparaissent donc faibles par rapport à celles concernant l'autre «camp»: et cela d'autant plus quand il s'agit du parti principal en pourcentage d'un des côtés de l'éventail politique, PS d'une part, PLR de l'autre.

(22 mars 2011)

 

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