Conseil communal, du jeudi 11 mars 2004
Déclaration de Dominique Rigot, syndic…

«Après quatre agressions sur des femmes, particulièrement lâches, crapuleuses et odieuses... voilà maintenant un meurtre ! C'est inacceptable !

Certains ont déclaré ces derniers jours dans la presse que c'était programmé, ... Qu'il fallait s'y attendre, ... Qu'ainsi va notre société, ... Bref que c'était inéluctable !
Et bien non ! Mesdames et Messieurs ... Rien n'est inéluctable ! ... Encore faut-il agir ! Il est en effet plus que temps de s'attaquer au problème autrement que par des colloques plus ou moins savants sur les tenants et les aboutissants de la violence dans la rue, dans les écoles, dans les familles, dont la presse se fait régulièrement l'écho. Il faut agir !

Encore ne faut-il pas se faire d'illusions ! ... Ces problèmes ne vont pas disparaître du jour au lendemain, d'un coup de baguette magique !... Cela se saurait !
Ce d'autant plus qu'à l'échelon communal, la marge de manœuvre et les moyens sont faibles. Faut-il encore le rappeler ! Les communes sont les réceptacles finaux des carences des politiques fédérale et cantonale. Et ce n'est malheureusement pas prêt de changer.

Malgré ces limites, il faut agir car, et c'est une évidence, chacun d'entre nous, chacun des habitants de Vevey et de la région, a été choqué par les derniers événements que nous
venons de vivre. Il faut également être conscients de la peur que ces événements ont engendré, peur qui demeure.

Il faut agir, et le premier pas, c'est s'attaquer au terreau qui nourrit tout cela, terreau qu'on appelle pudiquement les "incivilités", alors qu'il s'agit déjà d'agressions ... S'attaquer au lit, j'allais dire à la chienlit, qui favorise tout cela. Agir contre cela, c'est, n'en déplaise à certains, c'est également rétablir l'autorité.

S'agissant plus particulièrement du domaine public, c'est aussi restaurer dans l'ensemble de notre Ville une présence uniformée et à pied. Nous ne cessons de le répéter depuis plusieurs mois, il faut absolument maintenir une Police de proximité. Malheureusement, il faut se rendre à l'évidence, celle-ci est actuellement insuffisante faute de moyens ! Il s'agit donc de renforcer cette Police de proximité, mais de manière à en conserver la maîtrise.

Compte tenu de la nouvelle organisation policière, nous n'avons aujourd'hui d'autre choix que de faire appel à des moyens privés. Nous le répétons, ... il faut agir rapidement et avec pragmatisme. La Municipalité a décidé de mandater une entreprise spécialisée pour assurer une surveillance accrue de tous les quartiers de notre Ville. Nous estimons que notre population mérite qu'un montant de l'ordre de 1% de notre budget soit consacré au renforcement de sa sécurité. Le budget global n'augmentera pas, car ce montant sera compensé par des mesures d'économies linéaires dans les budgets des services communaux. La Municipalité vous renseignera dès que possible sur les mesures concrètes qui seront mises en vigueur très prochainement. Un bilan de cette opération sera tiré à fin 2004.

Une dernière chose, une Marche Blanche est prévue ce dimanche. La Municipalité l'autorisera. Mais attention à certaines confusions. Oui, trois fois oui à ceux qui défilent pour s'élever contre la violence ! Quant aux autres, qu’ils ne se trompent pas de cause !» (selon procès verbal de la séance 2/2004, annexe)

… et réactions… [1]

M. A. Gonthier s’insurge contre cette exploitation politique du drame. La manifestation de tout à l’heure, convoquée par les amis de la famille, a été silencieuse, respectant la dignité et le caractère incompréhensible d’un tel acte. Face à de tels drames, la seule chose digne à proposer aurait été une minute de silence en mémoire de la personne disparue et en soutien de sa famille, contre la violence. On ne peut prétendre parler du terreau en oubliant le manque de perspectives, le chômage, les pays détruits, un monde en guerre, une idéologie qui pousse les gens à la compétition jusqu’à ses plus extrêmes limites. Toute notre société est coupable de ce genre de crimes, elle doit en prendre conscience et l’analyser, sans laisser exploiter ces événements. (PV 2/2004, p. 2)

M. J.-F. Martin (PS) constate que beaucoup de gens ont peur et l’on ne peut pas simplement annulerce sentiment en leur disant qu’ils ont tort. Confronté tous les jours à des problèmes d’insécurité et d’incivilités, il se dit convaincu qu’il y a beaucoup à faire, y compris dans le domaine de la répression. Dans le monde entier, l’insécurité n’est pas liée prioritairement à un manque de policiers dans la rue, mais à la situation sociale qui provoque des tensions et une augmentation de la violence. Il faut davantage de justice et alors seulement il peut y avoir de l’autorité et de l’ordre pour imposer cette justice.
Mais quand il n’y a pas de justice et que l’on tente malgré tout d’imposer l’ordre, cela peut mener à des choses qui peuvent faire encore plus peur. Tant que l’on ne travaillera pas à plus de justice, l’ordre et l’autorité ne serviront à rien. Ce n’est pas seulement en augmentant le nombre de policiers que l’on va rétablir la sécurité. (PV 2/2004, p. 3)

M. J.-P. Boillat qualifie l’intervention de M. le Syndic de scandaleuse. On profite d’un instant de désarroi et de peur. La seule solution proposée est d’engager une police privée pour assurer l’ordre sur le secteur public. Il demande si cette décision entre dans les compétences de la Municipalité et exige un préavis qui explique très précisément comment cette opération sera financée et quels sont les buts recherchés. On veut soi-disant rétablir l’ordre, mais celui-ci n’a jamais véritablement existé dans une société qui vit sur les inégalités et les exclusions. L’engagement de policiers supplémentaires ne rétablira que l’idée d’une paix dans la ville, sans aller dans le sens d’une meilleure égalité dans la société. (PV 2/2004, p. 3-4)

M. V. D’Angelo (alors PS) revient sur la proposition de faire une minute de silence en mémoire de la victime.

Etant donné la situation, Mme la Présidente propose à ceux qui le désirent de se lever pour un instant de silence. (PV 2/2004, p. 4) [observée par un partie seulement des conseillers].

1. Le PV est, inévitablement, un résumé. Les interventions rapportées furent donc plus longues que ce qui apparaît ici. La presse en retira une impression de "manque de dignité", 24 heures titrant un commentaire "L'affligeant spectacle des élus". L'intervention du syndic, mûrement calculée, mais totalement imprévue pour les conseillers communaux, avait suscité une colère qui avait besoin de s'épancher. Un peu trop… Voir "La colère est mauvaise conseillère".

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