Enquête portant sur l'établissement des faits et la manière d'agir de la Municipalité, en particulier du syndic, M. Dominique Rigot, dans la cause qui a opposé Mme X. à la Commune de Vevey.

Rapport de M. Jacques Reymond,
ancien juge cantonal, à l'intention de la Municipalité de Vevey

Pully, le 2 décembre 2005

 

I. Mission et opErations de l'enquEteur

Après m'avoir rencontré à deux reprises, la Municipalité en corps a défini ma mission dans sa lettre du 6 octobre 2005 (pièce 1). Elle a souhaité quej'établisse les faits dans la cause Mme X. / Commune de Vevey et réponde aux questions suivantes:

«1.- L'avocat mandaté par la Commune a-t-il respecté correctement les règles générales inhérentes au contrat de mandat ainsi que les dispositions légales et les usages de la profession ?

2.- La Municipalité a-t-elle contrevenu à son Règlement en maintenant, dans les circonstances évoquées et le stade de la procédure, le mandat de son avocat, devenu Syndic ?

3.- Les agissements du Syndic en relation avec la Loi sur les communes (ou de toute autre législation) peuvent-ils donner lieu à une dénonciation par la Municipalité au Préfet ?

4.- Sous les mêmes aspects, quelle est la responsabilité de la Municipalité en tant que collège ? (cf chi 3)

5.- Combien a perçu l'avocat mandataire de la Ville pour cette affaire, sous quelle forme (provision, décompte, frais, etc) et à quelles dates ? Ces montants et les modalités de paiement sont-ils conformes à la législation et aux usages ? En particulier le Syndic aurait-il dû rembourser des provisions s'il avait dû abandonner son mandat au début de 2002 ?

6.- Quel a été le rôle du Bâtonnier dans cette affaire et pour quelle raison n'a-t-il finalement pas saisi la Commission de discipline ?

7.- La lettre du 10.04.2003 de l'avocat Subilia ou toute autre correspondance étaient-elles des offres à proprement parler ?

8.- L'issue de cette affaire aurait-elle été différente si elle avait été confiée à un autre avocat ?

9.- Etait-il aberrant que la Municipalité attende le dispositif (recte: les considérants) de Jugement de 1 ère instance pour décider de recourir, cas échéant de recourir au vu desdits considérants ?»

J'ai entendu toutes les personnes dont l'audition était requise dans la lettre du 6 octobre 2005, savoir M. Dominique Rigot, syndic (deux fois), M. Laurent Ballif, Mme Madeleine Burnier, MM. Pierre Ducraux et Pierre-Alain Dupont, municipaux, M. Pierre-André Perrenoud, secrétaire municipal, M. Serge Volet, chef du Service du personnel, M. Jean-Marie Thiébaud, ancien chef de ce service, ainsi que les avocats Mes Pierre-Olivier Wellauer, ancien bâtonnier, Olivier Subilia et Philippe Vogel.

L'administration communale m'a remis en photocopie la totalité des pièces en sa possession concernant le procès qui a opposé Mme X. à la Commune et les procès-verbaux du Conseil communal de Vevey nos 5, 8, 9/2004 et nos 2, 3, 4, 6, 7/2005.

MM. Rigot, Ballif, Dupont et Volet ont produit des pièces lors de leurs auditions; j'en ferai état dans la mesure utile plus loin.

Je relève enfin que Me Pierre Chiffelle m'a transmis un lot de pièces relatives au litige Mme X. / Commune de Vevey; elles avaient été déposées sans commentaire dans la boîte aux lettres de son étude.

II. Faits de la cause

A. Origine du litige Mme X. / Commune de Vevey

1) La Commune de Vevey a engagé, dès le 1 er mars 1981, Mme X., née le 3 mars 1943, sous contrat de droit privé en qualité d'employée d'administration, d'abord à mi-temps, puis à 90 %, au secrétariat de l'Office d'orientation professionnelle devenu l'Office régional d'orientation scolaire et professionnelle (OROSP). Sauf pour son infrastructure administrative, cet office est un service qui dépend de l'administration cantonale et son chef de même que les psychologues qui y travaillent sont des fonctionnaires cantonaux.

Dès le 1 er août 1995, l'office a eu un nouveau chef en la personne de M. Y., qui a essayé d'améliorer le fonctionnement de l'office et a demandé davantage d'investissement et d'autonomie aux secrétaires. Mme X. a rencontré des difficultés d'adaptation aux changements, ce qui a engendré une tension croissante au sein de l'office, en particulier entre elle et M. Y..

Après une année, elle a perdu confiance en elle et souffert d'un état anxiodépressif malgré la prise d'antidépresseurs et une psycho-thérapie de soutien. Finalement, sur prescription de son médecin, Mme X. a cessé totalement de travailler dès le 6 novembre 1996 (faits tirés du jugement motivé de la Cour civile, des 26 février / 14 novembre 2003, pièce 2).

2) Lors de sa séance ordinaire du 26 août 1996, la Municipalité, composée alors de M. Yves Christen, syndic, et de Mme Nicole Keller, MM. Pierre Aguet, Pierre Chiffelle et Rinaldo Rota, a chargé M. Thiébaud, chef du Service du personnel, d'entendre, en présence de Mme Keller, Mme X. sur la situa-tion conflictuelle régnant à l'OROSP (pièce 3). Mme Keller et M. Thiébaud ont entendu «un maximum de personnel travaillant ou ayant travaillé» à l'office. Après ces auditions, tous deux ont établi une proposition à la Municipalité (n° 33/96) pour la séance du 8 novembre 1996; il en ressort en substance que les difficultés rencontrées dans cet office sont dues pour l'essentiel à Mme X.. En conclusion, ils font la proposition suivante:

«... la Municipalité décide:
- qu'en cas d'accord de la direction des Travaux, elle proposera à Mme E. X. son transfert au poste d'employée de bureau au cimetière (avec changement de classification donc baisse de salaire et diminution de son taux d'activité);
- que, n'ayant aucun autre poste disponible correspondant aux capacités de Mme X., en cas de refus de la part de la direction des Travaux ou de Mme X., cette dernière sera licenciée;
OU
- de licencier Mme E. X. à fin novembre 1996, le terme du délai de congé étant fin février 1997.» (pièce 4).

Sur la base de cette proposition, la Municipalité a décidé, lors de la séance du 8 novembre 1996, de licencier Mme X. pour le terme le plus proche, compte tenu de l'absence de l'intéressée pour cause de maladie, et d'adresser au chef de l'office une lettre pour réprouver son attitude dans cette affaire (pièces 5 et 6).

Par lettre du 12 novembre 1996, la Municipalité a informé Me Bernard Pfeiffer, conseil de Mme X., qu'elle avait «décidé du principe de la résiliation» du contrat de travail de sa cliente et que cette résiliation serait notifiée à cette dernière dès la fin de son incapacité de travail, mais au plus tard six mois après le début de celle-ci (pièce 7).

Par lettre du 15 mai 1997, la Municipalité a résilié le contrat de Mme X. à fin mai 1997 avec effet au 31 août 1997. Elle invoque le comportement de celle-ci et son incapacité à s'adapter «à des situations et méthodes de travail nouvelles {entraînant} des dysfonctionnements de l'office et des conflits qui n'ont jamais pu être résolus et sont restés latents» (pièce 8).

Mme X. a fait savoir, par lettre de son conseil du 26 août 1997 (pièce 9), qu'elle s'opposait à la résiliation de son contrat de travail au sens de l'article 336 b CO et qu'elle entendait, non pas se limiter aux prestations prévues par cette disposition, mais au contraire plaider la nullité pure et simple de cette résiliation. Cela étant, la Municipalité a décidé à sa séance du 29 août 1997 de confier la défense de ses intérêts à l'avocat Me Dominique Rigot (pièce 10).

B. Procédure devant la Cour civile du Tribunal cantonal

1) Mme X. a déposé sa demande le 27 février 1998 en prenant diverses conclusions qu'elle a réduites à deux reprises, d'abord dans sa réplique du 30 septembre 1999, puis dans son mémoire de droit du 15 novembre 2002. Dans cette dernière écriture, elle réclamait les montants de 89'000 fr., 148'400 fr. 55 et 88'938 fr. 60, plus intérêts à 5 % à partir de diverses échéances, tout en maintenant sa conclusion tendant à la publication d'un résumé du jugement (pièce 2 pp. 33 ss et pièce 11).

La réduction des conclusions est en partie due au fait que des rentes ont été allouées à Mme X. par la Caisse intercommunale de pensions et l'Assurance-invalidité.

Pour sa part, la Commune de Vevey a conclu à libération (pièce 2, p. 33).

Me Rigot a déposé la réponse de la Commune le 11 mai 1998 (pièce 12) et la duplique le 6 décembre 1999 (pièce 13), ces deux écritures étant accompagnées de pièces selon bordereaux.

Me Rigot a requis et obtenu l'audition de neuf témoins (pièces 14 et 15).

A la réception de l'expertise médicale du psychiatre Jean Schmid portant sur Mme X., expertise très défavorable à la Commune (pièce 2, pp. 28 ss), Me Rigot a vainement demandé une seconde expertise, à ce défaut un complément d'expertise (pièces 16 à 22).

Me Rigot n'a pas requis la citation de l'expert à l'audience de jugement dans le délai fixé pour le dépôt du mémoire de droit (article 240 alinéa 2 du Code de procédure civile [CPC], ni renouvelé sa demande de seconde expertise lors de cette audience, en vertu de l'article 291 CPC (pièce 36, p. 10).

2) Le 1er janvier 2002 est entrée en fonctions la nouvelle Municipalité composée du syndic Me Rigot ainsi que des municipaux Mme Burnier et MM. Ballif, Ducraux et Dupont. Parmi ces personnes, seule Mme Burnier avait une relativement longue expérience de cette activité puisqu'elle avait déjà été municipale de 1990 à 1993 et qu'elle l'était à nouveau depuis le 1 er janvier 1998. Les autres membres de la Municipalité étaient novices, sous réserve de M. Ballif, en fonctions depuis le début de 2001.

La question de la continuation du mandat de Me Rigot s'est posée. Celui-ci a expliqué que deux possibilités existaient: soit maintenir son mandat, le procès arrivant à son terme - l'expertise salariale avait débuté (pièce 23) - soit confier l'affaire à un confrère, ce qui serait coûteux, puisque ce dernier devrait s'imprégner de l'ensemble du litige. La décision de maintenir jusqu'au jugement de première instance le mandat de Me Rigot, qui n'a peut-être pas participé au vote, a été prise à l'unanimité des municipaux. Il semble bien que l'article 18 du Règlement de la Municipalité de Vevey n'ait pas été évoqué. Il est certain que le Conseil communal n'a jamais été saisi de cette question. A l'exception de Mme Burnier, chacun invoque son inexpérience pour expliquer la décision prise, qui n'a fait l'objet d'aucun procès-verbal; tous la regrettent.

Mme Burnier, MM. Ducraux et Perrenoud ne pensent pas que Me Rigot ait agi pour des motifs financiers. Rétrospectivement, M. Ballif éprouve des doutes à cet égard alors que M. Dupont ne s'est pas prononcé (cf. auditions des membres de la Municipalité et de M. Perrenoud).

Ainsi, le syndic Me Rigot a continué à défendre en tant qu'avocat les intérêts de la Commune dans le litige opposant celle-ci à Mme X..

3) La procédure probatoire terminée, le juge instructeur a fixé aux parties un délai au 15 novembre 2002 pour déposer un mémoire au sens de l'article 317 a CPC, étant précisé que ce délai n'était pas prolongeable, cas de force majeure exceptés (pièce 24); selon cette disposition, il s'agit pour les parties de produire «un bref mémoire exposant leurs moyens de droit».

Dans le délai imparti, Me Subilia, conseil de Mme X. depuis 1999 ensuite du décès de Me Pfeiffer, a déposé un mémoire de 22 pages (pièce 11).

En revanche, Me Rigot n'a pas procédé. Dans une lettre adressée au bâtonnier Me Pierre-Olivier Wellauer, intervenu dans le litige entre Me Rigot et Me Subilia (cf. lettre F ci-dessous), Me Rigot a expliqué comme il suit l'absence de mémoire:

«N'ayant pas déposé de mémoire de droit, ce dépôt étant de toute façon facultatif, j'ai en effet plaidé cette cause en m'excusant auprès de la Cour de n'avoir pas déposé de mémoire ensuite d'une erreur d'agenda. Rien de plus» (cf. audition de Me Wellauer).

Lors de sa première audition, Me Rigot a en revanche fourni la justification suivante:

«Je n'ai pas jugé bon de déposer un mémoire écrit car l'argumentaire chiffré était développé de façon extrêmement détaillée dans la dernière écriture de la Commune, position essentiellement reprise par l'expert. Bien entendu, si cela n'avait pas été le cas, j'aurais déposé un mémoire de droit. L'absence de mémoire de droit était une option stratégique.»

Me Rigot a précisé dans sa seconde audition pourquoi il n'avait pas révélé à Me Wellauer le motif réel de son inaction:

«Si j'ai écrit au Bâtonnier Wellauer qu'il s'agissait d'une erreur d'agenda, c'est que je considérais que je n'avais pas à dévoiler la véritable raison pour laquelle je n'avais pas déposé de mémoire de droit.»

L'audience de jugement a eu lieu le 26 février 2003.

4) Par pli du 4 avril 2003, la Cour civile a communiqué aux conseils des parties le dispositif du jugement. La Commune a été condamnée à payer à Mme X. les sommes de 63'000 fr., 92'699 fr. 90 et 117'652 fr. 50 plus intérêts à 5 % dès différentes dates ainsi que 35'907 fr. 50 à titre de dépens. Les parties étaient avisées que le jugement motivé leur serait notifié d'office ultérieurement, à moins qu'une transaction n'intervienne dans les trente jours dès la réception dudit dispositif (pièce 25).

Par lettre du 8 avril 2003, Me Subilia a conseillé à sa cliente de ne pas demander la motivation ni de recourir (pièce 26).

Lors de sa séance du 10 avril 2003, la Municipalité a pris acte du jugement. Dans le procès-verbal établi à ce sujet figure la mention suivante:

«Il est décidé d'engager une transaction avec Mme X. dans le délai de 30 jours dès la réception du présent dispositif (échéance 9 mai 2003); en cas d'échec, d'attendre les considérants pour engager une éventuelle procédure de recours contre la décision de la Cour Civile.» (pièce 27).

De l'avis unanime des municipaux et de M. Perrenoud, un montant de 150'000 fr. devait être offert à titre transactionnel à Mme X.; seul Me Rigot parle de 100'000 fr. à 150'000 fr. Si le procès-verbal ne mentionne pas cette somme «aberrante», c'est parce qu'on avait conscience que cette proposition n'avait quasi pas de chance d'être acceptée, Me Rigot étant pour sa part réticent à faire une telle proposition dont il sentait bien qu'elle serait refusée (cf. audition de M. Perrenoud).

Le 10 avril 2003 également, Me Subilia a adressé à Me Rigot une lettre dans laquelle on lit notamment:

«Vraisemblablement, une telle décision ne sera matériellement pas susceptible de recours. Dans la mesure où le Tribunal s'est fondé sur une expertise et sur un complément d'expertise, il s'agit de faits qui ne pourront être contestés. Quant aux montants relatifs au licenciement, le Tribunal fédéral ne peut revoir l'appréciation des Juges de première instance que si elle est manifestement insoutenable et ne substitue pas sa propre appréciation. Aucune des parties n'a ainsi intérêt à recourir.

Si nous demandons la motivation et recourons au Tribunal fédéral, cela va juste faire courir les intérêts, d'environ Fr. 14'000.-- par année et augmentera les frais de conseil. Votre mandante aurait, me semble-t-il, très largement intérêt à en rester là.

Sous les plus expresses réserves d'usage, je vous informe que ma cliente serait prête à transiger au dispositif sans en demander la motivation.

Merci de me faire savoir votre réponse aussi rapidement que possible compte tenu du délai de 30 jours auquel nous sommes soumis.» (pièce 28).

Me Rigot a transmis ce courrier à la Municipalité par lettre du 16 avril 2003 sur laquelle ont été apposés un timbre humide daté du 17 avril 2003 ainsi qu'un numéro d'ordre (pièce 29). Cela prouve que cette correspondance a été reçue par le greffe. Or, d'après M. Perrenoud, tous les documents parvenus au greffe et destinés à la Municipalité sont rassemblés dans un porte-documents remis au syndic pour qu'il en donne connaissance lors de la prochaine séance de la Municipalité.

Me Rigot soutient qu'il a soumis la lettre en question aux municipaux; il n'y avait en effet aucune raison que, dès lors qu'il exprimait la volonté de leur en faire part par son courrier de transmission, il s'en abstînt soudainement quelques jours plus tard. Il pense que la discussion sur ce point a été banalisée, car chacun comprenait bien qu'il était logique d'attendre les considérants pour pouvoir informer que la Commune ne recourrait pas. Il a dès lors certainement dit: «affaire à suivre». Comme aucune décision n'était prise, aucun procès-verbal relatif à la lettre de Me Subilia n'a été établi (cf. aussi auditions de MM. Perrenoud et Thiébaud).

Les quatre municipaux affirment n'avoir jamais eu en main la lettre de Me Subilia avant mi-2005, mais ils n'excluent pas qu'il en ait été question incidemment lors d'une séance d'avril 2003.

5) Me Rigot affirme avoir communiqué par téléphone à Me Subilia le montant transactionnel offert par la Commune, offre logiquement refusée puisque Mme X. était au bénéfice d'un jugement lui allouant en chiffre rond 273'000 fr., plus intérêts et dépens.

Me Subilia déclare n'avoir aucun souvenir d'une réponse à son courrier du 10 avril 2003, que ce soit par téléphone ou par lettre; il n'a aucune trace d'un quelconque message téléphonique dans son dossier. C'est pour cette raison qu'il a relancé Me Rigot le 22 juillet 2003. Effectivement, il a adressé à cette date à son confrère une lettre dans laquelle il dit sa surprise de n'avoir pas reçu de réponse à son précédent courrier, s'étonne que Me Rigot persiste à agir comme syndic et avocat et souhaite connaître la position de la Commune dans un délai de dix jours. Il ajoute: «Puis-je vous demander d'accuser réception de la présente dans tous les cas de figure dès réception ?» (pièce 30).

La lettre de Me Subilia du 22 juillet 2003, qui ne porte ni timbre humide ni numéro d'ordre, ne se trouve pas dans le dossier du greffe municipal. Interrogé sur ce courrier lors de sa seconde audition, Me Rigot a déclaré ce qui suit:

«Si la lettre du 22 juillet 2003 ne se trouve vraiment pas dans le dossier du greffe municipal, c'est que je n'ai pas jugé bon d'en parler aux municipaux dans la mesure où, d'une part c'était une simple lettre de rappel et de pression, et d'autre part que nous n'étions pas encore en possession des considérants du tribunal et donc dans l'impossibilité de décider si nous allions recourir ou pas. Si je n'ai pas produit cette lettre lors de ma première audition, c'est que je ne la possède plus; elle doit se trouver chez Me Vogel. Je ne voulais d'ailleurs rien vous cacher puisque cette lettre se trouve publiée dans le Régional. J'admets que les municipaux n'ont pas eu connaissance de la lettre du 22 juillet 2003, et je n'ai d'ailleurs jamais prétendu que je l'avais portée à leur connaissance, contrairement à celle du 10 avril 2003. Si je n'ai pas répondu à Me Subilia à son courrier du 22 juillet 2003, c'est d'une part qu'il ne contenait rien de nouveau par rapport au courrier du 10 avril 2003; bien plus il affirmait faussement que je ne l'avais pas contacté téléphoniquement pour l'informer de l'offre transactionnelle et enfin qu'il contenait des injonctions totalement aberrantes, telles que demander que je porte l'affaire devant le Conseil communal, ainsi que le soupçon tout aussi aberrant que je ne communique pas avec la Municipalité. Surchargé de travail, je n'ai ainsi pas pris le temps d'écrire deux lignes à Me Subilia.

6) Le jugement motivé a été notifié aux conseils des parties le vendredi 14 novembre 2003 et reçu par Me Rigot le lundi 17 novembre; le 20 novembre, celui-ci a transmis ce document à la Municipalité qui a noté sa réception dans le procès-verbal de sa séance du 27 novembre 2003 (pièces 31 et 32).

C. Procédures de recours

1) Dans le délai légal de dix jours, Me Rigot a adressé au greffe de la Cour civile un recours tendant principalement à la réforme du jugement en ce sens que l'ensemble des conclusions de Mme X. sont rejetées, subsidiairement à sa nullité (pièce 33).

Le 4 décembre 2003, le syndic a informé les municipaux «qu'un acte de recours ... a été déposé dans l'affaire X. c/Commune de Vevey et que dès lors, Me Philippe Vogel, avocat à Vevey, représentera les intérêts de la Commune dans cette procédure» (pièce 34).

Par mémoire du 16 décembre 2003 adressé à la Chambre des recours du Tribunal cantonal, la Commune, représentée par Me Vogel, a développé ses moyens et confirmé sa conclusion en nullité (pièce 35).

Par arrêt des 25 février / 25 mai 2004, la Chambre des recours a rejeté le recours, maintenu le jugement de la Cour civile et alloué à Mme X. 1'200 fr. de dépens, ce dont la Municipalité a pris acte, selon procès-verbal de sa séance du 4 mars 2004 (pièces 36 et 37).

2) Le 16 décembre 2003, la Commune de Vevey, toujours représentée par Me Vogel, a recouru en réforme au Tribunal fédéral en concluant principalement à ce qu'elle soit libérée du versement de toutes indemnités à Mme X., subsidiairement à l'annulation du jugement avec renvoi en première instance pour nouvelle instruction et nouvelle décision (pièce 38).

Sur l'opportunité de recourir au Tribunal fédéral, les quatre municipaux ont déclaré que leur avis sur ce point aurait dépendu de l'importance des concessions faites par Mme X.. En particulier, M. Dupont s'attendait à une négociation avec celle-ci, négociation qui n'a pas eu lieu puisque Me Subilia affirme n'avoir reçu aucune réponse à sa lettre du 10 avril 2003. Cela étant, aucun d'eux ne s'est opposé au dépôt d'un recours au Tribunal fédéral.

Par arrêt du 13 octobre 2004, le Tribunal fédéral a rejeté le recours, mis un émolument judiciaire de 6'000 fr. à la charge de la Commune et condamné celle-ci à verser à Mme X. une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens (pièces 39 et 40). Même si, dans ses considérants, il reproche souvent à la Commune de discuter les constatations de fait ou l'appréciation des preuves, ce que le recours en réforme ne permet pas, le Tribunal fédéral ne dit nulle part dans son arrêt de 19 pages que le recours était téméraire ou manifestement mal fondé. Au contraire, en page 18, il relève que l'indemnité pour tort moral fixée à 25'000 fr. par la cour cantonale «se situe assurément à la limite supérieure, sans que l'on puisse toutefois reprocher aux juges cantonaux d'avoir mésusé du pouvoir d'appréciation dont ils disposent en la matière».

Il résulte du «Calcul final du versement des indemnités, dépens et intérêts dus à Mme X.» et du «Décompte des montants payés - Affaire X.» que la Commune a versé dans cette affaire la somme totale de 370'145 fr. 05 (pièce 41), étant précisé que ces pièces ne tiennent pas compte des dépens, par 1'200 fr., alloués à Mme X. dans l'arrêt de la Chambre des recours des 25 février / 25 mai 2004 (cf. lettre C chiffre 1 ci-dessus).

D. Offres transactionnelles

A part la lettre de Me Subilia du 10 avril 2003, confirmée par sa lettre du 22 juillet 2003, dont la nature sera examinée dans la partie du rapport consacrée à mon appréciation et aux réponses au questionnaire de la Municipalité, le dossier contient divers documents.

Dans deux lettres des 9 et 16 juillet 1999 à Me Rigot, Me Subilia relève que, vu que Mme X. perçoit des rentes d'invalidité versées par l'Assurance-invalidité d'une part, la Caisse de pension d'autre part, le dommage subi par sa cliente se réduit d'un peu plus de 600'000 fr. à 137'657 fr., ce montant ne tenant compte ni des intérêts de retard ni d'une indemnité pour licenciement; un arrangement transactionnel ne semblait dès lors pas impossible. Cette offre était faite sous les plus expresses réserves d'usage, la somme indiquée pouvant être réévaluée. Me Rigot l'a communiquée à la Municipalité en charge en 1999, qui ne s'est pas prononcée à son sujet, selon un extrait du procès-verbal de la séance ordinaire du 12 mai 2005 (pièces 42 et 43).

Lors de sa séance ordinaire du 14 janvier 2000, la Municipalité a chargé, en vue de l'audience préliminaire du 14 mars 2000 devant le juge instructeur de la Cour civile, le Service du personnel d'examiner la limite pécuniaire acceptable par la Commune dans le cadre d'une éventuelle transaction (pièce 44). Il ressort de la lettre de Me Rigot à la Municipalité, du 31 mars 2000, que Mme X. «n'a pas voulu entrer en matière sur une offre transactionnelle, même à hauteur de quelques dizaines de milliers de francs, articulée par le Juge» (pièce 45).

En outre, Me Subilia a envoyé à Me Rigot deux lettres, l'une du 13 décembre 2001, que m'a transmise Me Chiffelle et qui ne paraît pas avoir été soumise à la Municipalité, l'autre du 13 février 2002 dont celle-ci a eu connaissance, mais qui n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal, dans lesquelles Me Subilia suggère à la Commune de faire une proposition trans-actionnelle, sans mentionner lui-même un montant (pièces 46 et 47). Dans sa première audition, Me Rigot affirme avoir téléphoné à Me Subilia qu'il convenait d'attendre le résultat de l'expertise financière, vu les «écarts considérables» séparant les parties.

Enfin, il ressort du procès-verbal de l'audience de jugement - que j'ai consulté au Tribunal cantonal - que la Cour civile a vainement tenté la conciliation. On ignore si les parties ont fait à cette occasion des offres, les procès-verbaux d'audience ne les mentionnant pas en principe.

E. Notes d'honoraires et demandes de provisions de Me Rigot

Avant de donner la liste des notes d'honoraires et des demandes de provisions, il y a lieu de préciser que tous les bons de paiement et toutes les factures doivent être signés par un chef de service seul s'ils portent sur un montant inférieur à 3'000 fr., par un chef de service et un membre de la Municipalité lorsqu'ils s'élèvent entre 3'000 et 10'000 francs (cf. auditions de Mme Burnier et de MM. Thiébaud et Volet).

Le dossier contient les notes d'honoraires et demandes de provisions suivantes:

- note d'honoraires intermédiaire du 15 mars 1999 s'élevant à 6'550 fr. 60, frais et TVA compris, signée par MM. Thiébaud et Christen (pièce 48);

- note d'honoraires intermédiaire du 31 mars 2000 s'élevant à 8'347 fr. 12, frais, TVA et avance de frais de justice compris, signée par MM. Thiébaud et Christen (pièce 49);

- note d'honoraires intermédiaire du 8 janvier 2001 s'élevant à 10'897 fr. 49, frais et TVA compris, signée par MM. Thiébaud et Christen, la somme de 897 fr. 50 concernant les frais d'audition et d'assignation des témoins (pièce 50);

- demande de provision du 7 décembre 2001, au vu des opérations effectuées, s'élevant à 5'380 fr., TVA comprise, signée par MM. Thiébaud et Christen (pièce 51);

- demande d'une provision complémentaire du 30 septembre 2002 s'élevant à 3'228 fr., TVA comprise, signée par MM. Thiébaud et Rigot (pièce 52);

- note d'honoraires finale du 9 décembre 2003 s'élevant à 38'768 fr. 30, débours et TVA compris, dont à déduire 34'403 fr. 20 à titre d'acomptes versés et 60 fr. à titre de restitution d'un coupon de justice, d'où un solde de 4'305 fr. 10, TVA incluse, payable dans les dix jours, signée par Mmes Isabelle Singy et Madeleine Burnier (pièce 53).

Dans sa première audition, Me Rigot reconnaît que sa note d'honoraires (finale) aurait pu être soumise à modération pour éviter toute contestation et qu'il eût été élégant, vu le développement de l'affaire, de renoncer au solde, tout en considérant qu'il était dû. Il conteste qu'il aurait dû restituer un montant à la Commune s'il s'était dessaisi du dossier. Quoi qu'il en soit, le montant des honoraires réclamés par Me Rigot semble tout à fait correspondre à la norme selon Mme Burnier et ne paraît pas déraisonnable à M. Ballif.

Dans sa seconde audition, Me Rigot s'est prononcé sur la signature qu'il a apposée sur le bon de paiement de 3'228 francs. Il relève que, semaine après semaine, il signe en sa qualité de municipal en charge des finances des dizaines et des dizaines de pièces comptables et qu'il a agi dans ce cas par automatisme et maladresse.

F. Intervention du bâtonnier Me Wellauer

Invoquant le secret professionnel, Mes Wellauer et Subilia ont refusé de produire les pièces en leur possession concernant cette intervention. Les seuls documents dont je dispose ont été déposés par MM. Dupont et Rigot.

Il ressort de ces pièces ainsi que des auditions de Mes Wellauer et Subilia que celui-ci a pris contact avec celui-là le 22 août 2003 parce qu'il n'avait pas reçu de réponse à sa lettre du 22 juillet 2003 (pièce 30).

Le 3 décembre 2003, Me Subilia a écrit à Me Wellauer pour se plaindre de ce que Me Rigot ne lui avait toujours pas clairement affirmé avoir saisi le Conseil communal de sa proposition transactionnelle. Il reprochait aussi à Me Rigot d'avoir déposé lui-même un acte de recours malgré sa promesse de transmettre l'affaire à une autre étude (pièce 54).

Le 5 décembre 2003, Me Wellauer a écrit aux deux avocats qu'il était contrarié à réception du courrier de Me Subilia. En effet, d'une part Me Rigot ne lui avait jamais adressé la confirmation, demandée à deux reprises les 10 et 24 octobre 2003, que le Conseil communal était au courant de l'affaire, d'autre part il avait déposé lui-même un acte de recours. Me Wellauer attendait les explications de Me Rigot à réception de sa lettre et déciderait à ce moment-là de soumettre ou non le dossier à la Commission de discipline (pièce 55).

Le 12 décembre 2003, Me Rigot a répondu à Me Wellauer, avec copie à Me Subilia, que l'affaire était entre les mains de Me Vogel et qu'il avait agi lui-même par simple commodité en raison de la brièveté du délai de recours, en accord total avec ce confrère (Me Vogel a confirmé ce point lors de son audition du 3 novembre 2005). En outre, il ne s'était jamais engagé à informer le Conseil communal de l'état de la procédure tant que celle-ci ne serait pas terminée, car la gestion du personnel est de la compétence exclusive de l'exécutif; la demande de Me Subilia était donc le «fruit d'une méconnaissance totale de la façon dont fonctionnent nos institutions» et violait le principe de la séparation des pouvoirs (pièce 56).

Dans une lettre commune aux conseils des parties, du 16 décembre 2003, Me Wellauer regrette que Me Rigot n'ait manifesté son refus explicite de ne pas orienter ( recte: d'orienter) le Conseil communal qu'après avoir été relancé. Il ajoute que, Me Vogel constitué, l'affaire était ainsi liquidée (pièce 57).

Lors de son audition du 2 novembre 2005, j'ai demandé à Me Wellauer pour quelle raison il n'avait finalement pas saisi la Commission de discipline. Il a répondu ce qui suit:

«Je n'ai pas pris de mesure car, s'agissant d'un conflit d'intérêts, c'est habituellement le Conseil de l'ordre, exceptionnellement le bâtonnier, qui tranche, sans que l'on considère qu'il s'agisse d'une procédure disciplinaire. In casu, il était demandé par Me Subilia que soit tranchée la question du conflit d'intérêts. Dans l'affirmative, s'il y avait conflit, Me Rigot aurait été invité à remettre son mandat. Et ce n'est que s'il n'avait pas obtempéré que l'affaire aurait été transmise à la Commission de discipline. La question du conflit d'intérêts n'a finalement pas été tranchée, car lorsque Me Subilia s'est plaint par courrier du 3 décembre 2003 que Me Rigot n'avait pas remis son mandat, mais qu'il avait au contraire déposé un acte de recours au nom de la Commune de Vevey, Me Rigot m'a fait savoir par courrier du 12 décembre 2003 - que vous avez en copie -que le dossier avait été finalement transmis à Me Philippe Vogel.»

G. Interventions devant le Conseil communal de Vevey

Le 24 juin 2004, M. Jean-Pierre Boillat a déposé une interpellation devant le Conseil communal intitulée «Dommages et désintérêt ? Dommage !». Il visait le procès contre Mme X., dont le nom n'était pas mentionné, et souhaitait en substance savoir s'il avait été correctement mené et quelles seraient les conséquences financières pour la Commune en cas de condamnation définitive. Le syndic a énoncé lors de la séance quelques généralités en ajoutant que, dans la mesure où cette affaire n'était pas terminée et concernait des personnes, il ne pouvait pas donner plus de détails. Il est noté au procès-verbal de cette séance que le Conseil communal recevra une réponse écrite de la Municipalité au sujet de cette interpellation (pièce 58).

Le 8 octobre 2004, la Municipalité, par son vice-président M. Ducraux et M. Perrenoud, a notamment répondu à M. Boillat que l'exercice du pouvoir disciplinaire, soit la solution des affaires particulières, incombait à la Municipalité, qu'elle n'entendait pas s'écarter de cette légalité et qu'elle considérait donc l'interpellation comme nulle et non avenue. Lors de la séance du Conseil communal du 4 novembre 2004, M. Boillat a réagi à cette réponse, annexée au procès-verbal, en demandant en particulier pourquoi le syndic n'avait pas «procédé à la plaidoirie écrite» ni appelé en cause le Canton (pièce 59).

Lors de la séance du Conseil communal du 2 décembre 2004, M. Ducraux a lu un «communiqué de presse concernant l'affaire de mobbing à Vevey» annexé au procès-verbal de la séance. On y lit notamment que la Municipalité a fait au cours du procès plusieurs offres transactionnelles, toutes rejetées, qu'eu égard surtout à l'avancement du procès, elle n'avait vu aucun conflit d'intérêts du fait que l'avocat de la Commune était devenu syndic, qu'elle considérait que les intérêts de celle-ci avaient été correctement défendus et déplorait certaines attaques médiatiques contre le syndic (pièce 60) (cf. aussi l'extrait du procès-verbal de la séance de la Municipalité du 25 novembre 2004, pièce 61).

A la séance du Conseil communal du 3 mars 2005, M. Daniel Beaux a déposé une interpellation intitulée «Y a-t-il un avocat à l'Hôtel de Ville ?». Il pose diverses questions portant sur les règles suivies par la Municipalité en matière d'attri-bution de mandats à l'un de ses membres, sur les honoraires versés depuis le début de la législature à Me Rigot et à ses associés, sur le contrôle du bien-fondé et du montant de ces honoraires, sur l'éventuelle participation de Me Rigot aux délibérations ayant trait à l'affaire dont il s'est chargé. M. Beaux demandait aussi si la Municipalité envisageait de faire examiner par un expert extérieur la question d'une éventuelle responsabilité de son mandataire. La sixième question figurant dans l'interpellation ne concerne pas la présente enquête. Il est noté au procès-verbal de cette séance que le Conseil recevra une réponse écrite de la Municipalité au sujet de cette interpellation (pièce 62).

Par lettre du 22 mars 2005, la Municipalité a demandé une prolongation de délai pour répondre à l'interpellation de M. Beaux; lors de la séance du Conseil communal du 14 avril 2005, Mme Burnier a déclaré que la réponse coïnciderait avec la demande de crédit supplémentaire (pièce 63).

Lors de la séance du Conseil communal du 19 mai 2005, M. Beaux a déposé une nouvelle interpellation intitulée «La Municipalité compte-elle respecter le règlement». Invoquant l'article 94 du Règlement du Conseil communal de Vevey, il se plaint en bref de n'avoir pas encore reçu une réponse écrite à sa première interpellation et impartit à la Municipalité un délai au 30 mai 2005 pour s'exécuter. Mme Burnier a répété que la réponse à cette interpellation aurait lieu en même temps que le rapport sur les crédits supplémentaires; puis, après les interventions de plusieurs conseillers, notamment de M. Beaux qui ne s'est pas déclaré satisfait de la réponse municipale, l'interpellation sur le respect du règlement a été considéré comme réglée (pièce 64).

Le 16 juin 2005, la Municipalité, par sa vice-présidente Mme Burnier et M. Perrenoud, a communiqué au Conseil communal sa réponse à l'interpellation de M. Beaux «Y a-t-il un avocat à l'Hôtel de Ville ?» (pièce 65). Dans cette écriture, elle donne les raisons pour lesquelles elle a décidé de maintenir le mandat de Me Rigot jusqu'au jugement de première instance, à savoir l'état d'avancement du procès et l'importance des honoraires qu'un nouvel avocat aurait réclamés; elle précise que, s'agissant d'un cas tout à fait exceptionnel, elle n'a pas jugé bon de demander au syndic de se retirer lors de la prise de décision tant elle découlait du bon sens. La Municipalité indique le montant des honoraires perçus par Me Rigot depuis le début de la législature, soit 6'960 fr. 60, un autre avocat, qui n'était pas encore l'associé de Me Rigot, ayant reçu 1'012 fr. 70 pour un mandat particulier; les notes d'honoraires de Me Rigot ont fait l'objet des contrôles habituels, l'autorisation de payer la note d'honoraires finale ayant été signée par un municipal et non par le syndic. Sur l'éventuelle responsabilité de son mandataire, la Municipalité constate que le montant alloué à l'ancienne employée n'a rien à voir avec ses prétentions de départ ou subséquentes; après avoir fait examiner le dossier par un autre avocat et délibéré hors de la présence du syndic, elle est arrivée à la conclusion qu'aucune faute n'est imputable à celui-ci. Elle relève que le dépôt d'un mémoire de droit n'est pas obligatoire, s'exprime sur les pourparlers transactionnels et révèle qu'elle a déjà approché le Canton pour lui demander de supporter une partie des dommages-intérêts.

La réponse de la Municipalité a donné lieu à de longs et vifs débats lors de la séance du Conseil communal du 30 juin 2005 (pièce 66). Par souci de brièveté, il ne paraît pas nécessaire de résumer les interventions provoquées par cette réponse.

Les divers griefs adressés à la Municipalité et au syndic seront examinés dans la partie du rapport consacrée à l'appréciation et aux réponses au questionnaire contenu dans la lettre de la Municipalité du 6 octobre 2005 définissant ma mission.

A la séance du Conseil communal du 1er septembre 2005, Mme Burnier a fait la déclaration suivante, préparée par les quatre municipaux:

«Depuis plusieurs semaines, des informations non vérifiées circulent et sont publiées dans la presse à propos de ce qu'il est convenu d'appeler «l'affaire de mobbing», au terme de laquelle la ville de Vevey a été condamnée à payer un montant important de plus de fr. 370'000.--.

Désireuse d'en avoir le coeur net, la Municipalité [sans le Syndic] s'est efforcée d'obtenir copie des documents évoqués dans ces différents articles et censés contredire la position qu'elle a défendue face au Conseil communal en décembre 2004 et dans la réponse à l'interpellation Daniel Beaux du 16 juin 2005.

Il est apparu très clairement, en effet, que plusieurs documents importants n'avaient pas été portés à la connaissance de la Municipalité, en particulier deux lettres de l'avocat de la partie adverse concernant une offre transactionnelle ( il s'agit des lettres des 10 avril et 22 juillet 2003). Même si la formulation de ces documents peut donner lieu à discussion, il paraît inacceptable que ces offres n'aient pas été soumises à la Municipalité, seule autorité habilitée à trancher en l'espèce.

En outre, il est apparu que la décision de la Municipalité prise le 10 avril 2003 de proposer une offre transactionnelle à la partie adverse n'a pas donné lieu à un courrier formel à ladite partie adverse.

Dans ces conditions, la Municipalité de Vevey ne peut que présenter ses excuses au Conseil communal pour les affirmations erronées qu'elle a défendues devant lui, sur la base d'un dossier qui lui avait été transmis incomplet.»

Mme Burnier a notamment ajouté que la Municipalité entendait confier à un expert du monde judiciaire un mandat visant à analyser la manière dont cette procédure avait été menée, et qu'une délégation municipale avait d'ores et déjà rencontré le Préfet.

Le syndic a formellement contesté ces affirmations et a déposé la lettre de Me Subilia du 10 avril 2003 avec sa lettre du 16 avril 2003 qui porte le timbre humide établissant la transmission de ce courrier à la Municipalité.

Plusieurs conseillers sont intervenus, en particulier M. J.-F. Mottaz qui a déposé au nom du Parti radical une «déclaration de politique générale» annexée au procès-verbal de la séance (pièce 67).

H. Entrevue avec le Préfet

Les quatre municipaux ont eu une séance informelle avec le Préfet, M. Michel Rau, dans la salle de la Municipalité en l'absence du syndic. Ils souhaitaient s'entretenir avec lui en sa qualité de lieutenant de l'Etat garant de l'application de la Loi sur les communes. Aucune décision n'a été prise, le Préfet conseillant de nommer un expert pour élucider les faits (cf. auditions des quatre municipaux).

I. Action récursoire de la Commune contre l'Etat de Vaud

1) Le 28 octobre 2004, Me Vogel a écrit au Service de justice, de l'intérieur et des cultes que la responsabilité de l'Etat de Vaut était clairement engagée puisque M. Y. était fonctionnaire (sous-entendu: cantonal), plus précisément chef de l'OROSP. Il souhaitait en conséquence obtenir une décla-ration de renonciation à la prescription, sous les réserves d'usage, soit notam-ment pour autant qu'elle ne fût pas déjà acquise, de la part de l'Etat de Vaud à concurrence des montants alloués par la Cour civile à Mme X. (pièce 68). Le 1 er novembre 2004, l'Etat de Vaud a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 30 novembre 2005 pour autant qu'elle ne fût pas acquise à ce jour. Cette renonciation était faite sans reconnaissance d'une obligation juridique ou responsabilité quelconque (pièce 69). Par lettre de l'Etat de Vaud du 7 octobre 2005, ce délai a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2006 (pièce 70).

2) Par lettre du 13 juin 2005, l'Office fédéral des assurances sociales a informé la Commune qu'elle faisait valoir contre elle les prétentions récursoires de l'Assurance-invalidité pour les prestations versées du 1 er août 1997 au 30 juin 2005 d'un montant de 184'139 fr. et pour les prestations futures d'un montant de 46'771 fr., soit au total 230'910 francs (pièce 71). Me Vogel a avisé le Service de justice et législation des prétentions de l'OFAS par lettre du 20 juin 2005 (pièce 72).

A la demande de l'OFAS, du 15 juillet 2005, la Commune a renoncé le 21 juillet 2005 à exciper de la prescription jusqu'au 31 décembre 2007, s'agissant du recours contre le tiers responsable, et cela pour autant que celle-ci ne fût pas déjà acquise à ce jour (pièce 73).

Sur demande de Me Vogel du 20 juillet 2005, l'Etat de Vaud a renoncé le 21 juillet 2005 à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 décembre 2006 pour autant qu'elle ne fût pas acquise à ce jour. Cette renonciation, signée dans le cadre des prétentions récursoires de l'Assurance-invalidité contre la Commune dans le dossier divisant cette dernière d'avec Mme X., est faite sans reconnaissance d'une obligation juridique ou responsabilité quelconque (pièce 74).

3) Le 24 août 2005, l'Etat de Vaud, par son service juridique et législatif, a écrit à Me Vogel qu'il était arrivé à la conclusion que les prétentions de la Commune étaient prescrites et qu'il n'entendait dans ces conditions entrer en matière ni sur les prétentions de sa cliente ni sur celles de l'Assurance-invalidité (pièce 75).

4) Le 3 novembre 2005, la Municipalité, en l'absence du syndic, a décidé sur recommandation de Me Vogel de verser à l'Assurance-invalidité le montant réclamé, soit 230'910 fr. et de demander un délai au 31 décembre 2005 pour le règlement de cette somme (pièce 76).

5) A sa séance du 17 novembre 2005, la Municipalité, sans le syndic, a décidé d'ouvrir action au nom de la Commune contre l'Etat de Vaud devant la Cour civile en paiement de 668'385 fr. 96 plus intérêts à 5 % l'an dès le 7 février 2005 sur 370'145 fr. 05, dès paiements effectifs à l'Assurance-invalidité, date qu'elle se réserve de préciser, sur 230'910 fr., le solde portant intérêts dès le dépôt de la demande, et cela avec suite de frais et dépens (pièce 77).

III. ApprEciation et rEponses au questionnaire de la MunicipalitE

A titre préliminaire, il y a lieu de relever que certaines questions se chevauchent, si bien qu'il est difficile de les traiter isolément; en conséquence, je me référerai parfois à mes réponses précédentes lors de l'examen d'une question. En outre, j'ai pris la liberté de ne pas suivre l'ordre proposé par la Municipalité.

Question 2: La Municipalité a-t-elle contrevenu à son Règlement en maintenant, dans les circonstances évoquées et le stade de la procédure, le mandat de son avocat, devenu syndic ?

a) Cette question doit s'examiner à la lumière de l'article 18 du Règlement de la Municipalité de Vevey d'après lequel, sauf exceptions autorisées par le Conseil communal, les membres de la Municipalité ne peuvent être chargés, à titre professionnel, de travaux ou études ordonnés par la Commune ou financés par elle.

En l'espèce, le cas est particulier en ce sens qu'il s'agissait non d'un nouveau mandat, mais de la continuation d'un mandat proche de son terme et qu'un changement d'avocat aurait entraîné des honoraires supplémentaires. Ces circonstances pouvaient justifier une exception au principe, mais ne permettaient pas à la Municipalité de maintenir elle-même le mandat. Elle aurait dû saisir le Conseil communal dont on ne peut exclure qu'il aurait autorisé la poursuite du mandat pour les mêmes raisons que celles qui ont convaincu les membres de la Municipalité. Assurément, leur inexpérience, du moins de certains d'entre eux, et le climat de confiance qui régnait alors à la Municipalité expliquent en partie la légèreté dont ils ont fait preuve. Il n'en demeure pas moins qu'ils ont violé l'article 18 dudit règlement.

La Municipalité a également enfreint l'article 17 de ce règlement en tolérant la présence de Me Rigot lors de la décision de maintenir le mandat tant celle-ci «découlait du bon sens» selon les termes de la réponse de la Municipalité du 16 juin 2005 à l'interpellation de M. Beaux. Me Rigot aurait dû se borner à exposer à ses collègues l'alternative qui s'offrait à eux puis se retirer.

Constatées à temps, ces irrégularités auraient entraîné la nullité de la décision en vertu de l'article 20 du Règlement.

b) Même si la double «casquette» n'était pas en soi prohibée, moyennant autorisation du Conseil communal, elle n'en créait pas moins une situation ambiguë, les intérêts de la Commune et ceux de Me Rigot pouvant diverger. Par sa profession, celui-ci aurait dû être plus sensible que ses collègues à ce risque, qui imposait une grande rigueur dans la conduite de l'affaire. Or, le maintien du mandat n'a même pas été verbalisé, le syndic violant ainsi son obligation, prévue à l'article 75 de la Loi sur les communes, de surveiller la rédaction et la tenue à jour du procès-verbal.

Ce manque de rigueur, qui peut s'expliquer par l'excellente ambiance qui régnait à l'époque au sein de la Municipalité (cf. auditions de MM. Rigot et Ballif), s'est manifesté à d'autres occasions, ainsi que je le relèverai plus loin.

Question 1: L'avocat mandaté par la Commune a-t-il respecté correctement les règles générales inhérentes au contrat de mandat ainsi que les dispositions légales et les usages de la profession ?

a) La manière de procéder de Me Rigot ne révèle aucune violation des usages du barreau vaudois; j'en joins un exemplaire pour votre information (pièce 78).

b) Le mandat est régi par les articles 394 ss du Code des obligations (plus loin: CO). Selon Pierre Engel (Contrats de droit suisse, 2 e édition, pp. 490 ss), qui se fonde sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'avocat mandataire est tenu à une bonne et fidèle exécution du mandat (article 398 alinéa 2 CO) et ne peut s'écarter des instructions précises reçues que si les circonstances ne lui permettent pas de rechercher l'autorisation du mandant et s'il y a lieu d'admettre que celui-ci l'aurait autorisé s'il avait été au courant de la situation (article 397 alinéa 1 er CO). L'avocat répond du dommage causé à son mandant intentionnellement ou par négligence (article 321 e alinéa 1 er CO par renvoi de l'article 398 alinéa 1 er CO), mais non du résultat, par exemple de la perte du procès. La qualité des services que le mandant peut attendre de l'avocat dépend des circonstances et du degré des difficultés auxquelles il est confronté. L'exer-cice de la profession d'avocat deviendrait, dit le Tribunal fédéral, «impossible si le mandant pouvait le rendre responsable après coup de tout insuccès, compte tenu d'une part de la complexité de la législation et des faits, des aléas des procédures et d'autre part de certaines imperfections mineures qui se manifestent nécessairement lors de l'exercice d'une telle profession, empreinte de risques». En conséquence, la jurisprudence n'admet une responsabilité de l'avocat que si son manquement représente la violation de règles généralement reconnues et admises, telle l'inobservation des règles de prescription qu'un avocat doit connaître et sur lesquelles l'examen de la cause doit attirer son attention.

Quant au syndic, il a l'obligation en vertu de l'article 74 de la Loi sur les communes de communiquer à la Municipalité, dans la première séance qui suit leur réception, les lettres, demandes, pièces et documents qui la concernent comme telle (cf. aussi article 7 alinéa 2 du Règlement de la Municipalité de Vevey).

Sur la base de ces principes, il y a lieu d'examiner si Me Rigot a correctement rempli son mandat, le problème des honoraires et des offres étant traité ultérieurement puisque ces deux points font l'objet de questions particulières.

c) Me Rigot a allégué dans la réponse et la duplique (pièces 12 et 13) tous les faits pertinents et requis l'audition de tous les témoins utiles (pièces 14 et 15). Sa procédure écrite ne prête donc pas à la critique. Il a demandé à trois reprises une seconde expertise et une fois un complément d'expertise, mais s'est toujours heurté au refus du juge instructeur (pièces 16 à 22). Certes, il n'a pas requis la citation de l'expert à l'audience de jugement ni renouvelé sa demande de seconde expertise lors de cette audience. Il est toutefois illusoire de penser, au vu de la lettre de l'expert du 18 janvier 2002 (pièce 20), qu'il eût été possible de le faire changer d'avis. De même la Cour civile n'aurait certainement pas désavoué le juge instructeur en ordonnant une seconde expertise, les motifs pour lesquels celui-ci a rejeté la requête de la Commune dans sa lettre du 9 octobre 2001 (pièce 17) étant convaincants; du reste, il faut des circonstances exceptionnelles pour qu'une seconde expertise soit ordonnée à l'audience de jugement.

d) Me Rigot n'a pas appelé en cause le Canton et certains lui en font le grief.

D'après l'article 83 alinéa 1 er lettre a CPC, il y a lieu à appel en cause lorsqu'une partie a un intérêt direct à contraindre un tiers à intervenir au procès notamment parce qu'elle a contre lui, si elle succombe, une prétention récursoire ou en dommages-intérêts. L'action récursoire contre l'évoqué doit être fondée sur le même ensemble de faits que l'action principale dirigée contre l'évoquant, quelle que soit la source de la responsabilité de l'évoqué. La demande d'appel en cause de la part du défendeur doit être faite dans le délai de réponse (article 84 alinéa 1 er CPC).

Me Rigot explique dans sa première audition que s'il n'a pas appelé en cause le Canton, c'est d'abord en raison d'une question de compétence judiciaire, ensuite parce qu'un tel appel aurait alourdi et compliqué le procès alors que la Municipalité de l'époque était convaincue que le procès ne pouvait pas être perdu; si d'aventure Mme X. l'emportait, la Commune pourrait se retourner ultérieurement contre le Canton (cf. aussi audition de Me Vogel).

Contrairement à l'avis des deux avocats, il est selon moi faux de penser qu'un problème de procédure aurait fait échec à l'appel en cause. Certes, le litige divisant la Commune d'avec le Canton relevait en principe du tribunal d'arrondissement, s'agissant de droit cantonal, mais ce n'est pas là une règle impérative de compétence, si bien que l'attraction de l'Etat devant la Cour civile était possible. D'ailleurs, la Commune de Vevey a introduit son action récursoire devant la Cour civile (pièce 77).

Il est en revanche exact qu'après l'enquête menée par Mme Keller et M. Thiébaud (pièce 4), la Municipalité d'alors était optimiste quant à l'issue du procès, ce que révèlent ses lettres à Me Pfeiffer et à Mme X. des 12 novembre 1996, respectivement 15 mai 1997 (pièces 7 et 8; cf. également auditions de MM. Ballif et Thiébaud). Me Rigot a pu dès lors penser qu'il n'était pas nécessaire d'appeler en cause le Canton afin de ne pas alourdir la procédure et exposer la Commune au risque de devoir payer des dépens à l'Etat de Vaud, actionné à tort, vu le rejet attendu de la demande de Mme X..

Les prétentions de Mme X. admises pour l'essentiel, la décision de Me Rigot de ne pas appeler en cause le Canton apparaît rétrospectivement regrettable. Il s'agit là d'une erreur d'appréciation qu'un avocat particulièrement prudent n'aurait probablement pas commise, vu les reproches faits par la Municipalité à M. Y. dans sa lettre du 12 novembre 1996 (pièce 6).

Sous réserve d'une éventuelle prescription, invoquée par le Canton, des prétentions récursoires de la Commune - ce point sera soulevé à la question 8 - cette erreur d'appréciation est réparée en ce sens que, sauf transaction, la Cour civile devra dire si la responsabilité de l'Etat est engagée en raison du comportement de M. Y. et si la Commune est en droit de récupérer totalement ou partiellement les montants déboursés.

Il y a lieu d'ajouter encore que l'appel en cause n'aurait pu porter que sur la somme versée à Mme X. puisque la réclamation de l'Assurance-invalidité est postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral.

e) Me Rigot n'a pas déposé de mémoire de droit. Dans un premier temps, il a déclaré que cette omission était due à une erreur d'agenda et qu'il avait présenté ses excuses aux juges de la Cour civile (cf. audition de Me Wellauer), puis, lors de ses propres auditions, il a soutenu que l'absence de mémoire de droit résultait d'une option stratégique et qu'il entendait plaider l'affaire. Il n'avait aucun motif de cacher sa véritable intention à Me Wellauer, si bien que la raison invoquée après coup pour expliquer son revirement n'est pas convaincante. Peu importe, le fait est que Me Rigot n'a pas déposé de mémoire.

Le mémoire de droit introduit dans le Code de procédure civile à l'article 317 a par la loi du 21 juin 1993 a pour but d'obliger les parties à exposer leur argumentation juridique afin de favoriser les transactions ou la suppression de l'audience de jugement, des explications orales n'étant plus nécessaires. L'absence de dépôt du mémoire n'entraîne toutefois pas de sanction de procédure ni de fond (cf. Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e édition, p. 483).

Il peut arriver que les avocats renoncent à déposer un mémoire de droit afin de surprendre par leurs arguments juridiques développés à l'audience de jugement la partie adverse, empêchée de préparer leur réfutation. Cependant, la fixation du dommage éprouvé par Mme X. impliquait de nombreux calculs et seul un mémoire écrit était de nature à les rendre compréhensibles. C'est pourquoi le dépôt d'un mémoire se justifiait.

On ne peut toutefois pas en déduire que le jugement eût été arithmétiquement plus favorable à la Commune. En effet, la Cour civile, appliquant d'office le droit, a fait son propre calcul du dommage sur la base des pièces et de l'exper-tise salariale - dont elle s'est parfois écartée - et est arrivée à un préjudice de Mme X. s'élevant à 273'352 fr. 40 tandis que celle-ci réclamait 326'339 fr. 15 dans son mémoire.

f) Alors que son mandat devait prendre fin dès la reddition du jugement de la Cour civile, Me Rigot a déposé lui-même l'acte de recours au Tribunal cantonal.

Dans son audition, Me Vogel a déclaré que, lors d'un entretien téléphonique avec Me Rigot, il avait été convenu que celui-ci déposerait encore cette écriture puisqu'il avait en main tout le dossier et compte tenu de la brièveté du délai de recours.

Vu cette explication, on ne saurait reprocher à Me Rigot d'avoir procédé lui-même.

Question 5: Combien a perçu l'avocat mandataire de la Ville pour cette affaire, sous quelle forme (provision, décompte, frais, etc) et à quelles dates ? Ces montants et les modalités de paiement sont-ils conformes à la législation et aux usages ? En particulier le syndic aurait-il dû rembourser des provisions s'il avait dû abandonner son mandat au début de 2002 ?

a) Sur les points de fait soulevés par cette question, je ne peux que renvoyer le lecteur à la lettre E de la partie du rapport consacrée aux faits.

b) Avant de me déterminer sur le montant global des honoraires réclamés par Me Rigot, il faut dire quelques mots sur la signature qu'il a apposée par «automatisme» et «maladresse» sur le bon de paiement de 3'228 fr. en sa faveur (pièce 52). Certes, il signe semaine après semaine d'innombrables pièces comptables; il n'empêche qu'un court laps de temps sépare sa demande de provision du 30 septembre 2002 et l'établissement du bon de paiement du 8 octobre 2002 et le montant en cause est caractéristique. Me Rigot n'a sans doute pas agi intentionnellement; en revanche, son inattention est crasse. Il est vrai que M. Thiébaud a signé avant lui ce bon, mais il est son subordonné.

Ce qui est toutefois essentiel, c'est que Mme Burnier a signé la note d'honoraires finale de Me Rigot.

c) Conformément à l'article 45 alinéa 1 er de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat, l'avocat a droit à des honoraires fixés en tenant compte du temps consacré à l'exécution du mandat, des difficultés et des délais d'exécution de celui-ci, de l'importance des intérêts en cause, du résultat obtenu et de son expérience. De plus, les Usages du barreau vaudois disposent à l'article 26 qu'il demande en règle générale des provisions à son client au fur et à mesure du développement de son mandat (pièce 78).

Vu la durée du mandat ainsi que le nombre d'opérations, de conférences et d'audiences indiquées sur la note finale, le montant des honoraires, savoir 34'565 fr., débours et TVA non compris, est correct.

La Cour civile a alloué à Mme X. 25'000 fr. pour ses frais d'avocat, soit 9'565 francs de moins que la somme réclamée par Me Rigot. Toutefois, ainsi que le jugement le précise en page 65, il ne s'agit que d'une participation aux honoraires de l'avocat. En d'autres termes, Me Subilia était en droit de demander davantage à Mme X. -on ignore s'il l'a fait - et il serait donc faux de considérer par comparaison des deux montants comme excessif celui qui figure sur la note finale de Me Rigot.

d) S'agissant de l'éventuel remboursement d'une provision par Me Rigot s'il avait abandonné son mandat au début de 2002, on constate qu'il a présenté le 8 janvier 2001 une note d'honoraires intermédiaire de 10'897 fr. 49, frais et TVA compris, pour les opérations faites du 1 er avril 2000 au 31 décembre 2000, et qu'il a demandé le 7 décembre 2001 à la Municipalité de compléter ses provisions par un nouveau versement de 5'380 fr., TVA comprise, au vu des opérations effectuées.

Si l'on admet que la note du 8 janvier 2001 couvrait toutes les opérations faites jusqu'à la fin de 2000, il faut déterminer si l'activité de Me Rigot en 2001 justifiait des honoraires de 5'000 fr., plus TVA. En feuilletant le dossier, on relève qu'en 2001, Me Rigot a assisté à l'audition de Mme Keller comme témoin par le juge instructeur (procès-verbal d'audition de quatre pages), que l'expert psychiatre Jean Schmid a déposé son rapport qui a donné lieu à un important échange de correspondances poursuivi partiellement en 2002 (pièces 16 à 22), que Me Rigot a en outre envoyé une quinzaine de lettres, dont plusieurs pour requérir des prolongations de délai. Il est certes délicat d'arrêter les honoraires justifiés par ces opérations, mais on ne peut exclure une restitution de 1'500 à 2'000 francs.

e) Même si le montant des honoraires réclamés est correct, Me Rigot eût été bien inspiré, vu sa double fonction, de demander la modération de sa note pour éviter toute contestation à ce sujet; il l'admet lui-même. On entend par là la fixation du chiffre définitif des honoraires réclamés pour des presta-tions dans l'un des domaines des professions libérales, notamment le barreau. Cette procédure est prévue à l'article 50 de la loi déjà citée sur la profession d'avocat, la modération ressortissant au président du tribunal ou au juge dont relève le litige, parfois à un autre magistrat de même rang. Pour écarter tout malentendu, je précise que cette procédure n'aboutit pas nécessairement à la réduction de la note et que le magistrat peut arrêter le montant des honoraires à la somme réclamée si elle correspond à la valeur des prestations fournies.

Question 7: La lettre du 10.04.2003 de l'avocat Subilia ou toute autre correspondance étaient-elles des offres à proprement parler ?

a) Sur les points de fait soulevés par cette question, je ne peux que renvoyer le lecteur aux lettres B, chiffres 4 et 5, et D de la partie du rapport consacrée aux faits.

b) La lettre de Me Subilia du 16 juillet 1999 constitue sans nul doute une offre transactionnelle sur laquelle la Municipalité d'alors ne s'est pas prononcée (pièces 42 et 43). Il lui était difficile de le faire puisque la procédure écrite n'était pas terminée et qu'aucune preuve n'avait encore été administrée.

Lors de l'audience préliminaire du 14 mars 2000, c'est Mme X. qui a refusé d'entrer en matière sur une offre transactionnelle de quelques dizaines de milliers de francs articulée par le juge.

Enfin, dans ses lettres des 13 décembre 2001 et 13 février 2002 - seule celle-ci a été transmise par Me Rigot à la Municipalité - Me Subilia invite seulement la Commune à formuler une offre, ce qui ne saurait être assimilé à une offre.

c) Demeure le problème des lettres de Me Subilia des 10 avril et 22 juillet 2003 (pièce 28 et 30).

Avant toute chose, il y a lieu de déterminer la nature de la lettre du 10 avril 2003; certains y voient une offre transactionnelle.

Selon Piccard/Thilo/Steiner, Dictionnaire juridique français-allemand, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître en se faisant des concessions réciproques, ce qui distingue la transaction du désistement et de l'acquiescement ou passé-expédient. Deux parties à un procès insatisfaites d'un jugement peuvent par exemple convenir de ne pas recourir, renonçant ainsi définitivement à ce qui ne leur a pas été alloué.

En l'espèce, on ne se trouve pas dans cette hypothèse. Par lettre du 8 avril 2003 (pièce 26), Me Subilia a en substance conseillé à Mme X. de ne pas recourir et de fait celle-ci n'a jamais manifesté l'intention de recourir. Elle ne s'est même pas jointe au recours de la Commune comme l'article 59 de la loi fédérale d'organisation judiciaire le lui permettait; d'après cette disposition, l'intimé qui n'a pas recouru peut former dans le délai de réponse un recours joint pour demander la réforme du jugement au détriment du recourant. En réalité, Mme X. était satisfaite - on la comprend - du jugement et ce que Me Subilia proposait en fait à la Commune, c'était d'acquiescer au jugement rendu contre elle.

Le caractère transactionnel de la lettre en question me paraît donc pour le moins discutable. Quoi qu'il en soit, Me Rigot devait la soumettre à ses collègues. Au bénéfice du doute, j'admets qu'il l'a fait puisque ceux-ci n'excluent pas qu'il ait été incidemment question de cette lettre lors d'une séance d'avril 2003. La déposition de M. Perrenoud à ce sujet est convaincante.

En revanche, cette lettre n'a pas été traitée comme il eût fallu, ce qui montre un manque de rigueur. Elle aurait dû faire l'objet d'un procès-verbal se référant à celui du 10 avril 2003 et indiquant le montant transactionnel proposé, soit 150'000 fr., puisque le précédent procès-verbal ne le mentionne curieusement pas.

Me Rigot soutient qu'il a communiqué par téléphone - une lettre aurait été préférable -l'offre de la Commune à Me Subilia, ce que celui-ci conteste. A défaut d'autres éléments, il serait difficile de trancher entre ces deux versions contradictoires, mais compte tenu de la lettre de Me Subilia du 22 juillet 2003, j'opte pour celle de ce dernier. En effet, rien n'aurait justifié cette lettre si Me Rigot avait répondu au courrier du 10 avril 2003; d'ailleurs, s'il l'avait fait, il aurait réagi au rappel de Me Subilia et contesté le silence qui lui était reproché. La surcharge de travail qu'il invoque est une mauvaise excuse. Il a donc violé l'article 397 CO. Au demeurant, il n'aurait pas gardé par-devers lui la lettre du 22 juillet 2003 et l'aurait transmise à la Municipalité, comme l'y obligeaient les articles 74 de la Loi sur les communes et 7 du Règlement de la Municipalité.

Cela dit, il est illusoire d'imaginer qu'en possession d'un jugement solidement motivé lui allouant 273'000 fr. en chiffre rond, intérêts moratoires à 5 % non compris, Mme X. se serait contentée des 150'000 fr. proposés.

Il n'est pas possible de dire ce à quoi elle aurait renoncé lors de négociations, ce ne serait que pure hypothèse. Certes, cette affaire lui pesait, comme l'écrit Me Subilia dans sa lettre à elle du 8 avril 2003, mais les sommes allouées lui rapportaient un intérêt à 5 %, ce qui constitue actuellement un bon placement. Quoi qu'il en soit, il est difficile d'imaginer que Mme X. eût consenti un rabais si important que la Municipalité aurait pu transiger sans s'exposer au reproche de n'avoir pas épuisé toutes les voies de droit.

Question 9: Etait-il aberrant que la Municipalité attende les considérants du jugement de 1ère instance pour décider de recourir, cas échéant de recourir au vu desdits considérants ?

La décision de recourir ou non ne peut raisonnablement se prendre qu'au vu des considérants, car c'est seulement à la réception de ceux-ci qu'on est en mesure de déterminer si le raisonnement du tribunal est bien fondé ou erroné.

A mon avis, il était sage de recourir au Tribunal fédéral; sinon, le Canton aurait sans doute reproché dans l'action récursoire à la Commune de n'avoir pas tout entrepris pour obtenir une décision favorable. C'est du reste aussi l'opinion de Me Vogel (cf. son audition).

Je joins sous pièces nos 79 à 81 les statistiques du Tribunal cantonal indiquant la proportion des recours contre les jugements de la Cour civile admis par le Tribunal fédéral (je relève que le solde de 17 procès pendants au 31 décembre 2003 paraît erroné). On constate que, sur l'ensemble de ces trois années, la proportion des recours admis atteint presque 21 %, ce qui n'est pas négligeable. Evidemment, on ne peut pas se fonder sur ce pourcentage pour évaluer les chances d'un recours dans un cas particulier, car la qualité de la motivation du jugement cantonal est déterminante. En l'espèce, le jugement est bien motivé, mais on ne peut jamais exclure que le Tribunal fédéral s'écartera sur un point ou un autre du raisonnement des premiers juges. D'ailleurs, il n'a pas rejeté le recours en procédure simplifiée selon l'article 59 alinéa 1er de la loi fédérale d'organisation judiciaire.

Question 8: L'issue de cette affaire aurait-elle été différente si elle avait été confiée à un autre avocat ?

Selon Me Vogel, aucun élément ne permet d'affirmer que Me Rigot a commis une faute professionnelle dans la conduite du dossier et qu'un autre avocat serait parvenu à un résultat différent.

Sous réserve d'un point, je partage l'avis de Me Vogel. En réalité, si la Commune a perdu le procès, c'est parce que la cause était mauvaise et que l'appréciation de l'ancienne Municipalité d'après laquelle la situation conflictuelle existant à l'OROSP en 1995/1996 était principalement imputable à Mme X. s'est révélée fausse.

J'ai déjà dit en réponse à la question 1 sous lettre e que le jugement n'aurait pas été arithmétiquement plus favorable si un mémoire de droit avait été déposé, et à la question 7 sous lettre c qu'il est douteux que Mme X. eût été prête à consentir un rabais si important que la signature d'une transaction se serait imposée. Ainsi, même si un autre avocat avait agi correctement sur ces points, l'issue du procès n'aurait pas été différente.

Ma réserve porte sur le problème de la prescription que le Canton entend invoquer dans l'action récursoire intentée par la Commune. Il appartiendra à la Cour civile de trancher cette question. A supposer qu'elle parvienne à la conclusion que la prescription est acquise et que l'action doit en conséquence être rejetée, on pourrait soutenir qu'un avocat particulièrement prudent aurait appelé en cause l'Etat de Vaud (cf. réponse à la question 1 sous lettre d) ou interrompu la prescription à son égard dès que le litige est apparu.

Question 3: Les agissements du syndic en relation avec la Loi sur les communes (ou de toute autre législation) peuvent-ils donner lieu à une dénonciation par la Municipalité au Préfet ?

Question 4: Sous les mêmes aspects, quelle est la responsabilité de la Municipalité en tant que collège ? (cf. chi 3).

J'examine simultanément ces deux questions qui ne peuvent être dissociées, tout en soulignant que j'ai signalé lors de mes rencontres avec la Municipalité qu'en tant que civiliste, il me serait difficile de me prononcer sur ces questions qui relèvent du droit public. C'est pour cette raison que je renonce à me déterminer sur le reproche fait par certains conseillers à la Municipalité d'avoir tardé à renseigner le Conseil communal sur le procès.

Je constate que la Municipalité a violé les articles 17 et 18 de son règlement (cf. réponse à la question 2 sous lettre a) et qu'en violation des articles 74 de la Loi sur les communes et 7 dudit règlement, le syndic n'a pas communiqué la lettre de Me Subilia du 22 juillet 2003 (cf. réponse à la question 7 sous lettre c) et que certaines décisions dont l'importance imposait l'établissement d'un procès-verbal sous la surveillance du syndic en vertu de l'article 75 de la Loi sur les communes (cf. réponses à la question 2 sous lettre b et à la question 7 sous lettre c) n'ont pas été verbalisées.

La violation des articles 17 et 18 du Règlement de la Municipalité est commune au syndic et aux municipaux. Bien entendu, rien n'empêche ceux-ci de dénoncer le syndic au préfet, mais, ce faisant, ils se dénoncent eux-mêmes. En réalité, je me demande s'il n'incombe pas plutôt au Conseil communal d'intervenir auprès du préfet s'il l'estime nécessaire.

Je relève toutefois que cette enquête n'a révélé aucun acte délictueux ou malhonnête et que personne n'aurait trouvé à redire à la continuation du mandat de Me Rigot et à la manière dont il a conduit le procès si la Commune l'avait emporté (cf. auditions de Mme Burnier ainsi que de MM. Dupont et Ballif). Or, ce n'est pas la faute de Me Rigot si elle a perdu.

Question 6: Quel a été le rôle du Bâtonnier dans cette affaire et pour quelle raison n'a-t-il finalement pas saisi la Commission de discipline ?

Cette question relève du fait et je n'ai rien à ajouter à ce qui est dit sous lettre F de la partie consacrée aux faits. En particulier, Me Wellauer explique pourquoi il n'a pas saisi la Commission de discipline.

Pully, le 2 décembre 2005

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