«Aide aux pays en voie de développement»
La honte

En décembre 2002, la Municipalité, dans sa proposition de budget, a réduit le poste «aide au pays en voie de développement» de 10'000.–, le faisant passer de 45'000.– à 35'000.–. Le Conseil communal a suivi cete proposition. On trouvera ci-dessous une lettre de lecteur parue à cette époque. Nous devons malheureusement y ajouter un PS: «Honte encore sur nous qui n'avons pas repris le problème, et qui avons laissé ces misérables 35'000.– s'installer et prendre l'apparence de la normalité»! Ce poste budgétaire devrait être l'un des tests sur le réel contenu d'une éventuelle modification des équilibres politiques à l'occasion des prochaines élections.

La majeure partie de l’humanité vit dans une situation dramatique, qui ne va pas en s’améliorant. Nul ne peut l’ignorer, car les images de ces tragédies nous parviennent tous les jours. Si bien que les paroles bienveillantes en faveur d’un monde plus juste sont un passage obligé des discours politiques, les soirs d’élection et de réception en particulier. Jusqu’à l’UDC, qui oppose "l’aide sur place" à l’accueil des réfugiés.

Vevey – comme La Tour-de-Peilz – devrait être particulièrement sensible au problème, dans la mesure où une part non négligeable de ses rentrées fiscales provient des impôts payés par "notre" multinationale Nestlé. En survolant les résultats que celle-ci publie, on peut estimer qu’au strict minimum un dixième de son chiffre d’affaires, et donc de ses bénéfices, est réalisé dans les pays du tiers-monde. La même proportion bien logiquement se retrouve dans les impôts. Ce qui veut dire que, chaque année, c’est une somme à six zéros que ces bénéfices rapportent aux caisses veveysannes, cadeau bien involontaire des populations du tiers-monde. Jusqu’à cette année, la commune leur "rétrocédait" 45 000 francs – soit moins de 5 % – en soutenant des projets d’aide. Une somme toute symbolique, déjà proche du ridicule ou de l’indécence.

Mais jeudi soir 5 décembre 2002, la Municipalité proposait de diminuer ce soutien à 35 000.– (une coupe de 20 % !), en expliquant qu’il fallait supprimer 10 000.– versés à la Croix-Rouge, car "ce n’était pas le rôle d’une commune comme Vevey que de soutenir cette grande institution". Or le montant versé au CICR n’a jamais été de 10 000.– mais de 18 000. – en 1992 puis de 15 000.–  de 1993 à 2001. La nouvelle Municipalité l’a déjà supprimé en 2002, sans avoir pour autant de peine à trouver de bons projets pour utiliser l’entier des 45 000.– votés fin 2001 (ce dont elle s’est bien gardée d’informer la Commission des finances). La justification de cette diminution est donc particulièrement vaseuse – à moins qu’on ne croie que l’arrogance du ton supplée la vacuité de l’explication – et aucune autre raison plus convaincante n’a été donnée dans le débat. Malgré tout, le Conseil communal a suivi la Municipalité, en dépit de l’opposition d’une partie de la gauche et de certains conseillers de droite – honneur à eux.

Cela restera un soir de honte. Honte sur nous, qui en sommes réduits à défendre ces 45 000.–, bien que cette mesure soit plus proche de l’alibi de bonne conscience que de la vraie solidarité. Honte sur ceux qui ont demandé le vote à bulletin secret et ont ainsi permis à qui le voulait d'échapper à ses responsabilités, pour une décision qui relevait autant de la morale que de la politique. Honte enfin sur les nombreux conseillers du PS qui, en votant pour la réduction de ce budget, ont passé sous la barre du minimum de solidarité simplement humaine permettant de se dire socialiste. Symbole de la mesquinerie régnante et de la débandade politique d’une certaine gauche, le vote de jeudi ne sera pas oublié.

Valérie Borloz, Alain Gonthier,
conseillers communaux MPS-solidaritéS et solidaires
(12 décembre 2002)


Procès-verbal du Conseil communal du 5 décembre 2002

Compte 130.3659.02 Aide aux pays en voie de développement
Commentaire de la Commission des finances
Propositions d’amendement à fr. 45'000.-- de MM. R. Rickenbacher et de J.-P. Boillat

M. A. Gonthier remarque que la communication municipale sur les dons de l’année dernière ne fait pas mention d’un donc au CICR, alors que le total des aides est conforme à ce qui avait été budgeté.

M. le Syndic indique que lors de l’élaboration du budget, la Municipalité est arrivée à la conclusion que ce don n’avait pas lieu d’être. Le montant de fr. 45'000.-- alloué au budget 2002 a donc été réparti différemment. Pour 2003, les fr. 10'000.-- alloués au CICR ont été déduits du budget.

M. J.-P. Boillat comprend le mécanisme de la réflexion municipale, mais se demande pourquoi celui-ci n’a alors pas été appliqué pour 2002 déjà. Il s’agit d’une économie de bout de chandelles. Même s’il est vrai que notre commune est déficitaire, nous vivons dans la partie riche de la planète et cette économie de fr. 10'000.-- est particulièrement mesquine. On peut décider d’une réattribution en fonction de projets qui nécessitent plus [ ] une aide financière de la part d’une commune que le CICR financé par des Etats, mais il ne voit pas pourquoi on devrait diminuer cette contribution.

M. le Syndic précise que la Municipalité est arrivée à la conclusion que le CICR n’avait pas nécessairement besoin de ces fr. 10'000.– étant donné ses dimensions internationales. Le budget précédent comportant une enveloppe de fr. 45'000.-- dont l’attribution est de compétence municipale, la Municipalité a estimé que d’autres institutions pouvaient bénéficier de notre aide.

M. R. Rickenbacher estime qu’il s’agit plutôt d’une question de principe. Nous avons de l’argent pour une collection d’objets de sciences naturelles dont plus personne ne veut, un ascenseur dont la Municipalité pensait qu’on pourrait s’en passer, un “magnifique” parking à Entre-deux-Villes. Il faut donner notre argent aux personnes qui en ont réellement besoin. Nous ne pouvons pas diminuer ce poste de plus de 20 % simplement parce que notre situation est délicate. Il s’agit d’une question de conscience et il dépose un amendement visant à remettre ce montant à fr. 45'000.–.

M. N. Mattenberger précise que la Municipalité n’a pas indiqué à la commission que le montant de fr. 10'000.-- destiné au CICR en 2002 avait été attribué à d’autres organisations.

Mme la Présidente indique être en possession de deux amendements de M. R. Rickenbacher et de M. J.-P. Boillat demandant le rétablissement de ce poste à fr. 45'000.–.

M. A. Gonthier rappelle que les postes budgétaires sont des autorisations de dépenser et non des obligations. Si la justification de cette année est aussi forte que le prétend la Municipalité, elle aurait déjà dû amender ce poste en 2002. L’objectif [internationalement reconnu] fixé à 0,7 % pour l’aide aux pays en voie de développement nous amènerait à fr. 68'000.–. Nous sommes donc considérablement en dessous de ce montant. La part d’impôts qui revient à Vevey sur les bénéfices que fait dans le tiers-monde une grande multinationale veveysanne dépasse largement cette maigre contribution au tiers monde. Ce n’’est donc qu’une faible rétrocession. Nous sommes déjà à la limite de l’indécence, ne nous vautrons pas dans l’ignominie !

La parole n’étant plus demandée, les amendements de MM. R. Rickenbacher et J.-P. Boillat sont refusés à une nette majorité.

M. J. Christen se demande si tout le monde a bien compris ce qu’il vient de voter. Si c’est bien le cas, il se dit écoeuré et demande le vote à l’appel nominal.

M. I.-P. Moser estime que nous n’avons pas à voter une nouvelle fois puisque le résultat était clairement défavorable aux amendements.

M. J. Chappuis propose le vote à bulletins secrets primant sur tout autre, proposition qui est soutenue.

Le résultat du vote se solde par le refus de ces amendements par 44 voix contre 29 (quatre bulletins blancs).

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