Premier tour. Quelques supputations chiffrées

Les résultats du premier tour des élections communales méritent quelques commentaires complémentaires à ceux fait à chaud (voir résultats et premiers commentaires).

Municipalité

Il faut tout d'abord noter que les résultats de l'élection à la Municipalité sont difficiles à «faire parler», principalement du fait que plus de 40% des suffrages exprimés le sont sur des bulletins sans dénomination de liste (ce qui est raisonnable, puisque le fait d'utiliser une liste de parti n'a aucune incidence sur le résultat final). En général, les électrices et électeurs modifient un bulletin de parti plutôt pour ajouter des candidats à ceux qui sont imprimés: sur les listes modifiées, les électeurs Alternatives portent en moyenne 4 candidats; ceux du POP 4,4; ceux de Vevey Libre comme les libéraux 3,5; les PDC 3,2 et les UDC 3,1; les socialistes, quant à eux restent à une moyenne de 4, ce qui voudrait dire qu'ils ont d'une part biffé, d'autre part ajouté; enfin, exception, les radicaux, sur leurs 112 listes modifiées (sur un total de 325 listes de parti) arrivent à une moyenne de 2,77 candidats, ce qui, compte tenu de probables ajouts de candidats d'autres partis, suppose un taux de biffage non négligeable… Les plus zélés à constituer une Municipalité complète sur leur bulletin sont les électeurs utilisant la liste officielle sans dénomination, qui arrivent à une moyenne de 4,43 candidats par liste.

Si l'on s'intéresse au «rayonnement» des divers candidats hors de leur parti, en comptant le nombre de suffrages récoltés sur les bulletins sans dénomination de liste et sur ceux des autres partis, on voit que la Municipalité virtuelle ainsi désignée serait constituée, dans l'ordre, de BALLIF Laurent, CHRISTEN Jérôme, BURNIER Madeleine, DUPONT Pierre-Alain, DUCRAUX Pierre. Auraient suivi MARTIN Marcel, BOILLAT Jean-Pierre, GAVIN Eric, DESPOT Fabienne, TSCHUMI Jean-Jacques, RIGOT Dominique, WERFFELI Michel, D'ANGELO Vladimir, KOHLI Patrick, RIESEN Werner, MARINELLI Rogero. Cela semble confirmer les chances des candidats du PS et de celui de Vevey-Libre; et entrevoir que le retard mathématique des candidats libéraux (330 listes de parti) sur la coalition UDC-Radicale (env. 470 listes de parti) n'est pas décisif. D'autant, on le verra, qu'il est loin d'être évident que ces choux et ces pâtés se laissent additionner si facilement…

Conseil communal

Dans l'élection au Conseil communal, l'entête de la liste a une réelle importance, puisqu'elle attribue au parti choisi les suffrages non nominaux (100 suffrages par liste, les candidats portés sur la liste sont les suffrages nominaux, les autres les suffrages de liste). De plus le nombre de candidats favorise l'utilisation des listes imprimées, à la différence de l'élection à la Municipalité.

A partir du tableau «suffrages par parti et par candidat, selon leur origine» (accessible sur le site du canton), regroupements et calculs de pourcentages produisent des tableaux à double entrée permettant de mettre en évidence combien chaque parti «donne» et «reçoit» [1] de suffrages des autres (téléchargeables au format pdf pour les amateurs).

Le premier constat est l'importance des suffrages obtenus par chaque parti sur ses propres listes (compactes et modifiées): de 85 % à 97 %. C'est encore plus vrai pour les apparentements: l'apparentement de gauche récolte 96.6% de ses suffrages sur ses propres listes, Vevey-Libre 91,5% et l'apparentement de droite 98,3%. La «fin des partis» et «le vote, avant tout, pour des personnes» doivent donc être relativisés.

Pour aller au-delà, on retire les suffrages obtenus par chaque parti sur ses propres listes, pour ne s'intéresser qu'au geste des électeurs qui ajoutent des candidats d'autres partis sur la liste choisie [2]. La prudence recommande d'être conscient du fait que cette démarche élimine, on vient de le voir, plus de 90% des suffrages exprimés ! Il n'est cependant pas déraisonnable de considérer que la démarche de l'électeur partisan qui modifie sa liste préférée est indicative de l'attitude moyenne des électeurs de ce parti, de leur rejet ou de leur sympathie pour d'autres partis.

Le tableau ci-dessus, tend à montrer que les logiques politiques des partis ne sont pas entièrement suivies et assimilées par leur électorat:

• Alternatives «donne»[1] 38,4% au PS, ce qui semble logique, puis 22,5% à Vevey-Libre, ce qui est aussi logique, mais pas dans une logique binaire gauche-droite; 70,1% aux partis de l'apparentement de gauche, contre 7,4 à celui de droite.
• AGT donne 35,2% au PS et 25% à Alternatives, 70,9% aux partis de l'apparentement de gauche, mais encore 17,5% à Vevey-Libre, plus qu'aux Verts (10,7%).
• Les Verts donnent 35,4% au PS, 29,6% à Alternatives, 73,5% aux partis de l'apparentement de gauche, mais 17% à VL, plus qu'à AGT (8,4%).
• Les électeurs du PS sont plus diversifiés: le PS donne d'abord à VL (22,4%) puis à Alternatives (20,5%); suivent les radicaux (14,3%); 39,6% à l'apparentement de gauche, et 38.1% à celui de droite !
• L'apparentement de gauche donne 59% de ses suffrages nominaux aux autres partis de l'apparentement, 20,8% à VL et 19.9% à l'apparentement de droite.

• Vevey-Libre donne d'abord au PS (35,2%) puis à Alternatives (17,1%); , puis aux libéraux (14,3%) et même 10,5% aux radicaux (la rupture ne semble donc pas avoir traversé tout l'électorat VL); 65% aux partis de l'apparentement de gauche contre 34,7% à celui de droite.

• Le PDC donne d'abord au PS (25,8%), puis aux libéraux (22%), aux radicaux (16,4%) et presque autant à Alternatives (10%) qu'à VL (11,4%), et très peu à l'UDC (4.7%); 45,5% à l'apparentement de gauche, contre 43,1 à celui de droite. Parti de droite, mais électorat centriste ?
• Les radicaux donnent d'abord aux libéraux (42,2%), puis au PS (20,5%), à l'UDC (15%) et même à VL (10%, même remarque que ci-dessus); 25,5% à l'apparentement de gauche, contre 64,5% à celui de droite. On ne voit pas vraiment dans ces transferts de voix se profiler l'alliance Rad-UDC, mais plutôt la survivance de la vieille entente avec les libéraux.
• Les libéraux donnent d'abord aux radicaux (32,3%) puis à Vevey-Libre (21,7%), puis au PS (19,7%); 27,8% à l'apparentement de gauche, contre 50,5% à celui de droite.
• L'UDC donne presque à égalité aux libéraux (34,9%) et aux radicaux (33,2%), puis presque rien: PS (13,8%), PDC 6,6%. A nouveau, cela ne correspond pas clairement aux alliances pour le 2e tour de l'élection de la Municipalité.
• L'apparentement de droite donne 60,2% de ses suffrages nominaux aux autres partis de l'apparentement, 12,6% a VL et 27,2% à l'apparentement de gauche

Le tableau inverse ne dément pas ce qui précède, Sans développer, on notera:
• que pour Vevey libre 78,9% des suffrages nominaux provenant d'autres partis viennent de ceux de l'apparentement de gauche (dont 32,3% du PS et 26,4% d'Alternatives), contre 21,1% de l'apparentement de droite;
• que le PDC reçoit 50,6% de l'apparentement de gauche contre 30,7% de celui de droite (vote des immigré·e·s et pour des immigré·e·s ?);
• que radicaux, libéraux et UDC reçoivent respectivement 36,4%, 30,1% et 27,1% des partis de l'apparentement de gauche (dont respectivement 28%, 20,6% et 20,5% du PS),

Conclusions ?

Avec toute la prudence nécessaire, on peut mettre en relief quelques points:
- Vevey Libre a de fortes connexions avec la «gauche», sans pour autant être coupé des électeurs libéraux,
- la convergence politique radicaux-UDC n'est pas suivie par leurs électeurs,
- par contre la rupture entre radicaux et libéraux à la Municipalité n'est pas consommée dans leur électorat,
- même entre radicaux et VL, il existe encore des électeurs de passage.
- la «scie» des «extrêmes qui se touchent» est largement démentie.

A moins que la campagne ne bouleverse les choses (et comme elle est partie, cela semble peu probable…), on peut faire les hypothèses suivantes pour le 2e tour :
- le PS est en tête, et devrait capitaliser une bonne partie des votes de l'apparentement de gauche pour le Conseil communal; reste à savoir si les électeurs PS voteront groupé, ou privilégieront deux de leurs trois candidats.
- il ne devrait pas y avoir de grands problèmes pour un certain nombre d'électeurs de gauche de rajouter J. Christen aux candidats du PS;
- l'inverse devrait aussi se produire, d'autant plus si l'on tient compte qu'une liste à un seul nom est une incitation au rajout,
- J. Christen devrait aussi être rajouté sur une partie des listes libérales;
- la réciproque est moins vraie, mais devrait aussi se produire; là encore, «l'angoisse de la page quasi vide» va y pousser.
- l'électorat radical, en particulier ceux qui sont attachés à l'alliance avec les libéraux, va avoir de la peine à se rassembler derrière la liste Radical-UDC, ce qui se manifestera par le rajout de candidats libéraux et des biffages internes. La liste UDC-radicaux est en position de faiblesse largement reconnue, au sein d'une droite qui est dans son ensemble en mauvaise position face aux candidats du PS; nul n'imagine donc que cette liste va placer ses quatre candidat·e·s, et le sentiment général est que cela serait déjà une surprise d'en placer un·e ! L'étrange décision de partir à 4 a donc toutes les chances de donner des raisons supplémentaires de biffages.

On voit donc mal un membre de la «droite veveysanne» à la nouvelle Municipalité. Pour le reste: 2-1-2 ou 3 -1-1, voire 3-2, les paris sont ouverts…

1. C'est un raccourci: il faudrait pour être exact écrire à chaque fois: «combien de suffrages les électeurs utilisant un bulletin de parti donnent de suffrages aux divers partis, et combien de suffrages chacun des partis reçoit de suffrages de la part d'électeurs votant sur une liste de parti». On s'en abstiendra, en gardant en tête qu'il s'agit d'une simplification. On se passera même des guillemets.

2. Les électeurs qui votent compact et ceux qui utilisent des listes sans dénomination ne sont pas pris en compte.

Retour à l'accueil
Haut de page