Certitudes municipale, incertitudes des contrats…

A l'origine, un «post» du désormais anonymement célèbre «Pâté froid» sur son blog, où ce dernier critiquait le passage du tout ménage de «Le coeur de Vevey n'est pas à vendre» qui affirmait que «n'ayant pas pris la peine d'adopter un PPA (plan partiel d'affectation) avant la vente, Vevey se met à la merci des promoteurs au lieu de leur imposer ses conditions». La thèse de «Paté froid» est que la procédure du PPA au contraire donne toutes les garanties nécessaires et souhaitables. Ayant affirmé pour Alternatives que ce nétait pas si simple et que la Commune se trouvait les mains largement liées, j'ai eu le grand bonheur de me voir répondre par Jérôme Christen, municipal de l'urbanisme. La parole de l'autorité vaut la peine qu'on l'étudie et qu'on la critique, le cas échéant. Voici donc les affirmations de Jérôme Christen et les questions qu'elles posent. (voir aussi notre PS ci-dessous et notre «autocritique»)

7 juin, 19h02, Jérôme Christen, municipal de l'Urbanisme et des Constructions:
En cas de oui le 17 juin, le Château doit être rénové dans les 5 ans quoi qu'il advienne du PPA. Si le PPA est refusé, Projet 109 et M. Grohe peuvent soit renoncer à acquérir la parcelle, soit revenir avec un nouveau PPA qui tienne compte des critiques émises pour avoir une chance d'être accepté. Dans tous les cas, notre partenaire devra respecter les contraintes fixées dans les actes notariés et tenir leur promesses s'ils veulent passer la mise à l'enquête, avoir l'aval du Conseil communal et éventuellement de la population. Ce projet devra donc être exemplaire. Et pour éviter de perdre du temps et de l'argent, il devra l'être dès le départ pour éviter un échec préjudiciable à chacun. La Municipalité a choisi cette manière pour ne pas à avoir à attendre trop longtemps avant que les travaux de réfection du Château ne démarrent. En terme de processus et dans l'intérêt de la collectivité, on ne pouvait pas trouver plus efficient.

8 juin, 11h41, réaffirmation:
Dès lors que la population aura dit oui le 17 juin presque toutes les conditions seront remplies pour que la vente du Château soit effective: vente de la parcelle Restaurant du Rivage et octroi d'un crédit pour l'élaboration d'un plan partiel d'affectation (PPA). Il reste encore toutefois une dernière condition à réaliser: la délivrance du permis de construire pour la restauration du Château. Dès le 17 juin, M. Grohe a trois mois pour déposer le dossier en vue de l'obtention du permis. Si M. Grohe n'engage pas les travaux de transformation dans les trois mois qui suivent le caractère exécutoire du permis, la commune peut faire usage de son droit de réméré. De même si les travaux ne sont pas terminés dans un délai de 60 mois.
Un refus du PPA n'aura donc aucune incidence sur la vente ou non du Château. Le château sera vendu et les travaux auront certainement commencé avant que le PPA ait passé la rampe du Conseil communal.

Quelques questions:

Paradoxalement, J. Christen affirme, sans peut-être s'en rendre compte, que M. Grohe serait prêt à prendre le risque d'un découplage des deux dossiers (Château et Rivage) – c'est-à-dire ce que proposait la majorité de la commission du Conseil communal, alors que le contraire a été réaffirmé à de nombreuses reprises, et a été un des arguments chocs pour emporter la décision du Conseil communal.

En effet le déroulement des faits qu'il décrit impliquerait que M. Grohe se lance dans la rénovation du chateau avant de savoir si le PPA est adopté et lui convient. à lui et à son associé Gumy. La vente du Rivage est liée au PPA, et cette vente peut être annulée si le PPA ne répond pas aux conditions posées par l'acte de vente [1]. La vente du château serait ainsi déliée de celle du Rivage !

Si M. Grohe tient bien au couplage des deux dossiers, il serait sage de son point de vue de ne pas commencer les travaux sur le Château de l'Aile avant de savoir si le PPA lui permet de réaliser ce qu'il veut sur la parcelle compensatoire du Rivage. Est-il contraint de commencer les travaux comme le prétend J. Christen ci-dessus («Dès le 17 juin, M. Grohe a trois mois pour déposer le dossier en vue de l'obtention du permis. Si M. Grohe n'engage pas les travaux de transformation dans les trois mois qui suivent le caractère exécutoire du permis, la commune peut faire usage de son droit de réméré» [de rachat]) ? Ou la mention du PPA, qui figure aussi dans le contrat qui concerne le Château, [2] lui donne-t-elle la possibilité d'attendre ?

La formulation est ambigüe: la condition pour que la vente soit valable est-elle simplement que le crédit pour l'élaboration du PPA soit voté ? mais alors que signifie ce «étant précisé que ce plan devra en tout état de cause comprendre la possibilité d'ériger sur la parcelle promis-vendue un nouveau bâtiment d'habitation comportant une surface brute de plancher de 2818 mètres carrés» ? A supposer que le PPA soit bien élaboré, mais qu'il ne permette pas cette construction sur le terrain du Rivage, le contrat de vente du Château de l'Aile pourrait-il être considéré comme nul par l'acheteur ? J. Christen prétend que NON, et que là est le risque que prend l'acheteur.

Mais pourquoi y aurait-il, dans un acte notarié, une clause inutile ? Pourquoi cette clause n'a-t-elle pas été formulée de façon moins impérative (par exemple: « étant précisé que le projet de PPA devrait viser à la construction… ») ? Telle qu'elle est écrite – et adoptée par le Conseil communal – , cette clause vise non pas l'intention de départ du PPA, le projet municipal, mais bien le résultat final, le PPA tel qu'il serait adopté par le Conseil communal.

Malgré les assurances – de bonne foi – de J. Christen, je ne peux que conclure que si cette clause est formulée ainsi, c'est pour être efficace, et permettre l'annulation de la vente du Château si le PPA n'est pas conforme aux exigences des acheteurs.

Un autre problème se pose: Le PPA prévu englobe le Château de l'Aile. En toutes lettres, dans le préavis municipal et dans la décision soumise au vote, il est désigné comme «PPA Chateau de l'Aile-Jardin du Rivage». Il est vrai que sa désignation dans les contrats varie et semble parfois désigner le seul bâtiment du Rivage (mais ce n'est que le reflet de la haute qualité de ces documents). Comment alors un permis de construire pourrait-il être donné pour le Château de l'Aile alors que le PPA – qui est justement le document auquel doit se référer l'autorité pour donner le permis de construire – serait en cours d'élaboration ? Les travaux au Château de l'Aile seraient-ils vraiment de si peu d'importance que la Municipalité puisse accorder le permis de construire sans passer par toute la procédure régulière ? et sans référence à un PPA établi et légalisé ? Il y a donc de bonnes raisons de penser que l'adoption du PPA devra précéder le permis de construire pour la rénovation du Château.

Ma conclusion est la suivante: le processus accéléré décrit par J. Christen est un rêve. Tant que le PPA ne sera pas adopté, il n'y aura pas de travaux au Château. Comme on peut bien imaginer que le processus d'adoption du PPA dure plus de deux ans avec les prévisibles oppositions, ce sera tout ce temps que les plafonds continueront de couler et la molasse de s'effriter.

Plus croquignolesque, par la clause 1.3, p. 2 du contrat de vente du Château «le vendeur [la commune] s'engage à n'y apporter aucune modification de quelque nature que ce soit» jusqu'au jourde la vente ! C'est dire que même l'entretien urgent a toutes les chances de rester en rade jusqu'à l'adoption du PPA.

Dans ce dossier, la Municipalité a agi au rebours du bon sens, en ce qui concerne le PPA comme en ce qui concerne la Salle Del Castillo. Au lieu de fixer d'abord ce qui est bon pour la collectivité (planifier l'utilisation de l'espace urbain par un PPA; étudier la rénovation de la Salle Del Castillo en fonction des utilisateurs), puis de voir quelles solutions sont compatibles avec ces buts, elle s'est jetée sur la «solution» de la vente et ne pourra faire autrement qu'adapter le PPA aux exigences de l'acheteur; de même, une fois le Rivage (et l'Aile) vendu, l'étude de rénovation ne pourra plus rechercher les meilleures solutions pour la Salle Del Castillo, mais devra se couler dans un moule pré-contraint par l'absence de dégagement sur les 4 côtés de la salle.

 

PS: Il est certain que les décisions du Conseil communal ne concernent jamais que les conclusions, et que tout le reste du contenu d'un préavis n'est jamais que justification, informations et déclaration d'intentions politiques des autorités, sans valeur légale. Il vaut quand même la peine de se référer au point 13 du préavis 5/2007 (page 27) intitulé «Déroulement du projet». Il décrit, sans ambiguïté, la succession des étapes de réalisation de l'ensemble du projet telles que les prévoient la commune et ses partenaires. [3]

- On constate que des «travaux préparatoires en vue de la restauration du Château» sont effectivement prévus très rapidement (au point 4), avant même «l'étude du projet de restauration du Château de l’Aile» (pt. 5). Par contre, les travaux proprement dits de rénovation manquent à l'appel et ne sont mentionnés nulle part… Prémonition ?

- Les étapes d'étude pour le Château, le nouvel immeuble, le PPA et la Salle Del Castillo sont prévus plus ou moins en parallèle (5, 6, 7).

- Les étapes de mise à l'enquête semblent également devoir se dérouler plus ou moins parallèlement (8 Château, 9 PPA, 10 nouveau bâtiment du Rivage). Cela semble compliqué, puisque le PPA, comme signalé ci-dessus devrait être le document de référence, indiscutablement en ce qui concerne le nouvel immeuble du Rivage et probablement en ce qui concerne le Château de l'Aile, mais cela semble possible, du moins si l'on attend que le PPA soit approuvé en bonne et due forme avant de donner le feu vert aux objets qui en dépendent. Quant à la rénovation de la Salle Del Castillo, elle ne semble demander aucune mise à l'enquête, puisque celle-ci n'est mentionnée nulle part.

- Mais ce qui est quoi qu'il en soit clair, c'est qu'il est bel et bien prévu une mise à l'enquête pour la rénovation du Château de l'Aile (pt. 8), contrairement à l'hypothèse municipale mentionnée ci-dessus.

- La mise à l'enquête du projet de nouveau bâtiment du Rivage – donc un projet presque définitif – précède (pt. 10) le dépôt des préavis pour l'approbation du PPA et du projet de rénovation de la Salle Del Castillo. C'est le monde à l'envers: on fixe le cadre (PPA) après avoir mis à l'enquête le projet qui serait censé s'y conformer. Par contre, le projet de nouveau bâtiment donne le cadre à la rénovation de la Salle Del Castillo, qu'il précède. C'est exactement ce qui est affirmé ci-dessus: la Municipalité agit au rebours du bon sens.

- Un point essentiel est correctement mentionné, conformément aux contrats: ce n'est qu'une fois le PPA légalisé (pt. 12) que l'acte de vente de la parcelle du Rivage (pt. 13) est passé définitivement.

- Par contre l'entrée en vigueur de la «vente conditionnelle» du Château de l'Aile n'est pas mentionnée dans ce scénario. Si la Municipalité avait raison (dès que le crédit d'étude du PPA est voté,la vente est effective), cette réalisation de la vente aurait figuré après le point 2 (approbation des conclusions du rapport 5/2007, qui comprennent le crédit pour le PPA).

Bref, là encore l'incertitude et le flou règnent.

 

1. Le contrat concernant le bâtiment du Rivage (page 7, point 1, PPA) stipule que «la présente promesse de vente et d'achat est dés lors expressément subordonnée à la légalisation du plan partiel d'affectation permettant de procéder sur l'immeubl promis-vendu aux opérations suivantes: démolition des bâtiments existants; construction d'un nouveau bâtiment comprenant 2818 mètres carrés de surface brute de plancher (non comprises les surfaces de sous-sols, de terrassses et balcons). […]» Il serait donc exclu, sous peine d'annuler la vente, que le PPA diminue la surface de planchers autorisée (par exemple en limitant le hauteur du bâtiment, dans la mesure où la surface maximale du bâtiment est déjà fixée dans le même document à 760 m2), ou impose d'autres restrictions à l'usage de la parcelle vendue.

2. Le contrat concernant le Château de l'Aile stipule (en page 4) lui aussi que «la présente vente est expressément subordonnée aux autorisations définitives et exécutoires […] du Conseil communal de Vevey concernant a) la vente de l'immeuble [du Rivage] […] b) l'octroi d'un crédit relatif à l'établissement […] d'un PPA relatif à l'aménagement de la totalité de l'immeuble voisin [du Rivage] […], étant précisé que ce plan devra en tout état de cause comprendre la possibilité d'ériger sur la parcelle promis-vendue un nouveau bâtiment d'habitation comportant une surface brute de plancher de 2818 mètres carrés (non comprises les surfaces de sous-sols, de terrassses et balcons).»

3.DEROULEMENT DU PROJET (pour plus de clarté dans les références, les étapes ont été numérotées)
Le projet Château de l’Aile – Casino du Rivage sera exécuté en une seule séquence, selon les étapes suivantes:
1) signatures des actes notariés de vente et d'achat du Château de l'Aile et promesse de vente et d'achat d'une parcelle à détacher de l'immeuble feuillet 367; commune + M. Bernd Grohe + Projet109 SA
2) approbation des conclusions du présent rapport-préavis par le Conseil communal; commune
3) recherche des mandataires pour la rénovation de la salle del Castillo; commune
4) travaux préparatoires en vue de la restauration du Château
5) étude du projet de restauration du Château de l’Aile et de construction du nouvel immeuble ; M. Bernd Grohe + Projet109 SA
6) étude du PPA « Château de l’Aile – Jardin du Rivage » ; commune
7) étude du projet de rénovation de la salle del Castillo; commune
8) mise à l'enquête de la restauration du Château de l'Aile; M. Bernd Grohe
9) mise à l’enquête du PPA ; commune
10) mise à l'enquête du nouvel immeuble; Projet109 SA
11) dépôt des préavis pour l'approbation du PPA et le projet de rénovation de la salle del Castillo; commune
12) légalisation du PPA ; commune
13) acte authentique de vente et d’achat de la parcelle à détacher; commune + Projet109 SA
14) exécution des travaux ; commune + Projet109 SA
15) mises en service ; commune + Projet109 SA

(8 juin 2007)

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