Compte-rendu du Conseil communal du 13 septembre 2018

La proposition de suspendre le salaire de Lionel Girardin était le sujet chaud de cette séance. Le débat n’a malheureusement pas abouti à une décision de fond. L’urgence de l’objet, qui aurait permis de débattre sur la question et de voter dessus, a été refusée. L’échéance pour le faire a ainsi été repoussée au Conseil d’octobre au plus tôt. Le groupe a également déposé un postulat sur l’utilisation de l’espace public et une interpellation concernant la gestion des VMCV.

Suite à la démission de Jean-Pierre Boillat annoncée au Conseil du 17 mai, Marc Renkens a été assermenté pour lui succéder. Il rejoint les bancs des conseillers et conseillères pour la suite de la législature.

Comme lors de la première interpellation sur cette thématique, la Municipalité a répondu par un genre de « circulez, y’a rien à voir ». Ses réponses n’ont pas donné de signal d’alarme sur les problèmes relevés par l’interpellateur. Elles seront donc vérifiées par ses soins et il reviendra sur ce sujet après la communication promise, si besoin.

L’interpellation : de la parole à l’audit a donné lieu à l’adoption d’une résolution par le Conseil communal, reprenant et soutenant celle du Conseil de Montreux.

Celui-ci estime nécessaire que les VMCV soient audités par une société indépendante (autre que Ernst & Young), tant sur sa gouvernance que sur sa gestion de l’argent public. Si la Cour des comptes s’avère être compétente pour l’audit, elle sera également saisie.

Dans le postulat « plus d’espaces publics », le nombre de places et le caractère temporel ou non des aménagements de ces espaces – était laissé au libre choix de la Municipalité, contrairement à ce que certains élus ont laissé entendre lors de la discussion.

Une partie des élues et élus – de droite, du centre mais aussi du PS –  n’ont pas reconnu la nécessité de s’emparer du problème de la progressive saturation des espaces, de la sécurité de certaines zones dédiées au transport individuel et au stationnement et du problème de santé publique que représente la pollution induite par le trafic motorisé en ville.

En refusant de reconnaitre l’urgence de prendre une décision sur cet objet, une majorité du Conseil a empêché de suspendre le salaire du Municipal faisant l’objet d’une enquête pénale. Le Conseil communal avait là l’opportunité de faire preuve de détermination et de reprendre les choses en mains. Une majorité ne l’a pas voulue, préférant laisser Monsieur Girardin bénéficier d’un plein salaire encore quelques mois, malgré sa suspension.

Conditions réunies pour discuter le préavis

Formellement, les conditions (réglementaires) étaient pourtant réunies pour que la discussion ait lieu. La Municipalité avait demandé officiellement que le sujet soit traité en urgence ; cette urgence était de surcroît implicite car la couverture du préavis mentionnait qu’il devait être traité le 13 septembre ; enfin, la Commission des finances, désignée par le Bureau du Conseil communal pour étudier le préavis, avait siégé et avait rendu deux rapports.

Confusion autour du préavis

Le préavis de la Municipalité était peu précis et peu incisif. Alors qu’il était prêt depuis la fin juin, la Commission des finances, réunie le 5 septembre, a dû le traiter sous pression et à la hâte. Lors de la séance de cette Commission, la Municipalité n’a pas vraiment défendu l’urgence de prendre une décision, ni le bien-fondé de la décision elle-même. De plus, la Commission a entendu l’avocate de la Commune «entasser» toutes les incertitudes légales et les conséquences négatives de la décision proposée. Résultat, une majorité de la Commission proposait au Conseil communal de ne pas entrer en matière. Enfin, la Municipalité —sa majorité— a retiré le préavis le lundi 10… puis a annulé cette mesure le mardi 11. Ces décisions n’ont pas été communiquées, ce qui fait que 24 heures a logiquement publié en milieu de semaine un article annonçant le retrait du préavis… De nombreux membres du Conseil communal sont donc entrés en séance persuadés que la discussion n’aurait pas lieu, et bien entendu sans avoir lu les rapports.

La responsabilité de la Municipalité dans l’échec de son préavis est grande, mais pas unique : le Conseil communal pouvait faire preuve de détermination, reprendre les choses en main et prendre cette décision. Il ne l’a pas voulu.

De bonnes raisons pour traiter cette décision :

On parle de suspension du traitement, et antérieurement de la fonction. Ces mesures sont provisoires et réversibles : Lionel Girardin récupérerait ses salaires dus s’il devait être reconnu innocent par la justice. L’inverse n’est évidemment pas vrai. En revanche, s’il est reconnu coupable, rien ni personne ne pourra l’obliger à restituer les salaires perçus. Ce seul fait démontre que l’urgence d’une décision est bien réelle.

– Les bases légales sont solides : par lettre de la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux du 27 juin 2018, le Conseil d’Etat et son service juridique avaient assuré au Conseil communal que cette décision était de sa compétence en vertu de l’art. 29 de la Loi sur les communes qui lui permet de fixer les indemnités du Syndic et des membres de la Municipalité ; pour cette autorité, cela comporte également la compétence de la suspendre.

– Demain, on n’en sera pas plus sûr : si, contrairement à ce que pense le Conseil d’Etat, il y a des failles dans la loi, le seul moyen de savoir si la décision proposée était correcte, c’est justement de la prendre et qu’un recours la confirme ou l’infirme. Le seul risque financier pour la Commune pourrait être d’être condamnée aux frais de justice. Et encore, s’agissant d’une décision prise régulièrement sous la surveillance et sur proposition du Conseil d’Etat chargé de contrôler que les communes s’administrent conformément à la loi, cette probabilité est infime.

– Des craintes infondées : l’avocate de la commune a brandi l’épouvantail des demandes de dédommagement si cette décision était prise, ce qui a beaucoup impressionné certain.e.élu.e.s du Conseil. Cette menace ne tient pas: pour qu’une telle décision puisse donner lieu à des dommages et intérêts, il faudrait que la personne contre laquelle la décision a été prise n’ait aucunement donné prise à cette décision, ET que cette décision soit illégale. Qu’une décision soit erronée ne donne pas lieu à des dommages et intérêts.

– Enfin et surtout, il s’agit de politique : depuis fin avril 2018 Lionel Girardin est suspendu de ces fonctions de Municipal par le Conseil d’Etat, suspension motivée par des actes que ce Conseil d’Etat a jugé grave au point de dénoncé Monsieur Girardin à la justice. Le Conseil d’Etat a toutefois laissé au Conseil communal de Vevey le soin de suspendre ou de maintenir le salaire du Municipal pendant sa suspension. Il perçoit ainsi un salaire qu’aucune activité au bénéfice de la commune ne justifie.

Aucune décision n’ayant été prise, cette situation va durer encore plusieurs mois. En effet, la suspension de son poste reste effective jusqu’à décision sur le recours qu’il a déposé. Ce recours ne sera certainement pas admis par la justice et finalement, c’est jusqu’à droit connu, que même s’il le voulait, Monsieur Girardin ne peut pas reprendre son poste.

Tant le Juge instructeur du Tribunal cantonal que le Ministère public considèrent officiellement que les soupçons pesant à l’égard de M. Girardin sont graves. Il n’est pas possible que cette situation reste sans conséquences concrètes. Ces mesures de suspension ont été mises en place par le législateur cantonal suite à l’affaire Doriot à Montreux. Si le Conseil communal ne les utilise pas, la population arrivera tout naturellement à la conclusion que Lionel Girardin est décidément intouchable, et qu’une partie des autorités, Municipalité et Conseil communal, est de connivence avec lui.

Rien n’y a fait. Une majorité du Conseil communal a refusé de considérer la décision proposée comme urgente, et a décidé de la remettre à plus tard.

Pour quand ? Nul ne le sait.

La séance de la Commission a été fixée si tard qu’il est impossible que la décision soit prise en octobre. Et on peut imaginer des demandes d’avis de droit, qui retarderaient encore le processus. Si à cela s’ajoute la discussion – qui s’annonce difficile et longue – sur le budget, Lionel Girardin a encore quelques mois de congés payés devant lui.

Que dit la loi ?

Art. 139b Suspension et révocation
1 En présence de motifs graves, sur requête de la municipalité ou de la majorité des deux tiers du conseil général ou communal, le Conseil d’Etat, peut suspendre un ou plusieurs membres de la municipalité ou du conseil général ou communal. Le Conseil d’Etat détermine la durée de la suspension, qui ne peut excéder une année. La décision est renouvelable dans le cas où une procédure pénale reste pendante.

2 Constituent des motifs graves toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas la continuation du mandat pour lequel le ou les membres de la municipalité ou du conseil général ou communal ont été élus ou sont de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’impliquent leurs fonctions. Sont notamment considérés comme de tels motifs l’ouverture d’une instruction pénale à raison d’un crime ou d’un délit, une incapacité durable, une absence prolongée ou une violation des dispositions de la présente loi en matière de conflit d’intérêt ou d’interdiction d’accepter ou de solliciter des libéralités ou d’autres avantages (au sens des articles 65a et 100a de la présente loi).

3 Le Conseil d’Etat soumet la question de la révocation d’un ou de plusieurs membres de la municipalité ou du conseil communal au corps électoral de la commune concernée :
a. lorsque la durée de la suspension est échue et que l’intéressé se trouve encore en incapacité ou en absence ;
b. lorsque l’intéressé concerné a fait l’objet d’une décision pénale condamnatoire à raison d’un crime ou d’un délit, définitive et exécutoire ;
c. lorsqu’une enquête administrative a permis d’établir la responsabilité de l’intéressé dans le cas d’une perturbation des relations avec ses homologues et qu’une tentative de conciliation du préfet ou chef du département en relation avec les communes a échoué ;
d. lorsqu’une enquête administrative a permis d’établir la réalisation de l’un des cas visés aux articles 65a et 100a de la présente loi [corruption].

En conclusion 

La seule décision politique définitive est la révocation (art- 139b, al. 3) . Elle ne peut être proposée au vote du peuple qu’après la suspension de fonction et à certaines conditions précises. Dans le cas qui nous concerne «lorsque l’intéressé concerné a fait l’objet d’une décision pénale condamnatoire à raison d’un crime ou d’un délit, définitive et exécutoire». C’est là que la procédure administrative-politique se raccorde à la procédure judiciaire: un municipal qui a fait l’objet d’une plainte pénale et a été suspendu pour cette raison, ne peut pas être révoqué s’il est reconnu innocent.

Au final, il a donc fallu que le Parti Libéral Radical, on ne sait  trop pourquoi, juge les fautes probables de Lionel Girardin comme péché véniel pour s’allier avec le Parti Socialiste, qui lui, défend bec et ongles son mandataire. Cela a suffi pour former une majorité qui refuse envers et contre tout de prendre des mesures qui semblent évidentes.

La manière dont certains objets ont été traités lors de sa présidence du Conseil communal a  davantage montré son dévouement pour les autorités et pour son parti que l’impartialité demandée par sa tâche (le postulat Pilet sur l’internalisation des gérances et la proposition de huis-clos pour traiter le rapport de la Cogest en sont des exemples). Le groupe s’est donc prononcé contre sa nomination à la Cogest, notamment en raison de la potentielle présidence du PS à celle-ci.